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LETTRE VIII

Dion : c’est une vision d’avenir que Platon contemple presque comme une réalité présente, tant sa foi est confiante, mais elle reste néanmoins une simple anticipation.


Les idées politiques.

Les projets politiques exposés dans cette lettre révèlent un esprit tout semblable à celui qui inspirait l’épître précédente. Les doctrines exprimées là dans leurs lignes essentielles sont reprises ici et adaptées à la situation présente de la Sicile. Elles s’harmonisent encore d’une façon frappante, parfois même à la lettre, avec les rêves de cité idéale dont l’Athénien du dialogue Les Lois entretenait Clinias et Mégillos.

Le plus parfait des régimes est celui qui sait allier l’autorité et la liberté ; il ne sera donc ni tyrannie, ni démocratie sans frein. La servitude et la liberté excessives sont toutes deux un très grand mal ; modérées, elles sont excellentes. En un mot, le seul gouvernement souhaitable pour les cités est celui où prévaut la μετριότης dont parle le dialogue, et nous trouvons dans le 3e livre un long commentaire des pensées nerveusement résumées dans la lettre[1]. Les lois doivent régir tous les citoyens ; elles sont les véritables souveraines : κύριος… βασιλεὺς τῶν ἀνθρώπων (lettre VIII, 354 c). Et Platon écrivait dans son dernier dialogue : « Il est de notre devoir d’imiter le plus possible le genre de vie qui florissait, dit-on, au temps de Cronos et d’obéir pour la direction publique et privée de nos maisons et de nos cités à ce qu’il y a d’immortel en nous, désignant sous le nom de lois ce qui émane de notre raison[2]. » Tous seront les serviteurs loyaux de ces lois toutes-puissantes et n’attendront les honneurs suprêmes que de la libre volonté des hommes et de ces lois mêmes : τὰς μεγίστας τιμὰς κεκτημένους παρ’ ἑκόντων τε ἀνθρώπων καὶ τῶν νόμων… (lettre, 354 c). Or, ce n’est possible que sous l’égide d’une constitution tempérée, non là où sévissent ces factions tyranniques qui forcent l’obéissance plutôt qu’elles ne la gagnent, ἑκόντων γὰρ ἑκοῦσα οὐδεμία, ἀλλ’ ἀκόντων ἑκοῦσα ἄρχει σὺν ἀεί τινι βίᾳ… affirment les Lois dans un

  1. Cf. Lettre, 354, et Lois, III, 691 e-694 ; 701 e.
  2. Lois IV, 713 e, 714 a.