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LETTRE VII

langage : « Entre nous deux, qu’il n’y ait plus, dit-il, cet obstacle de Dion et de ses intérêts, et débarrassons-nous d’une cause incessante de discorde. b Voici donc ce que, en faveur de toi, je ferai pour Dion. Je lui demande, après avoir recouvré sa fortune, d’habiter dans le Péloponèse, et nullement comme un banni, mais avec la faculté de rentrer lorsque lui, moi, et vous ses amis, nous en serons tombés d’accord[1]. Mais cela, évidemment, à condition qu’il ne conspire pas contre moi. Vous m’en répondrez, toi et les tiens[2] ainsi que les parents de Dion qui se trouvent ici ; qu’il vous donne donc à vous des gages. Les biens c qu’il voudra prendre seront déposés dans le Péloponèse et à Athènes chez qui vous le jugerez bon. Dion en touchera les intérêts, mais il ne pourra, sans votre assentiment, disposer du capital. Quant à moi, je n’ai pas assez de confiance en lui pour croire qu’il serait loyal à mon égard dans l’usage qu’il ferait de ses richesses, car elles sont considérables. Je me fie davantage à toi et aux tiens. Vois donc si cela te plaît et, dans ce cas, reste encore ici cette année ; tu partiras à l’été en emportant cette fortune. Dion, d j’en suis sûr, te sera très reconnaissant si tu réalises cela pour lui. » J’écoutai avec peine ce discours. Je répondis pourtant que je voulais réfléchir et que le lendemain j’apporterais mon avis là-dessus. C’est ce qui fut alors convenu. Mais ensuite, quand, rentré en moi-même, je délibérais, je me trouvais dans une grande perplexité. Voici tout d’abord la pensée qui prédomina : « Voyons, si Denys n’a pas la moindre intention de tenir e sa promesse, moi partant, n’écrira-t-il pas à Dion avec quelque vraisemblance ce qu’il

  1. Le récit de Plutarque (Dion, c. 15) ne concorde pas absolument avec celui de Platon. D’après l’historien, ce n’est pas à l’époque du troisième voyage que Denys aurait feint des sentiments moins malveillants envers Dion, mais à l’époque du second. De plus, l’attitude de Platon n’aurait pas été la cause de ce changement. Denys aurait tout d’abord fait déporter Dion en Italie (c. 14), mais par crainte des troubles que menaçait de susciter cette mesure, il aurait déclaré que cet éloignement n’était pas un bannissement (ὡς οὐ φυγῆς, ἀλλ’ ἀποδημίας τῷ Δίωνι γεγενημένης — Cf. Lettre VII, 346 b) et il aurait permis aux serviteurs de Dion d’apporter à leur maître dans le Péloponnèse tout ce qu’ils pourraient de ses biens.
  2. Denys oppose Platon et les siens aux parents de Dion, citoyens de Syracuse (σέ τε καὶ τοὺς σοὺς οἰκείους καὶ τοὺς ἐνθάδε Δίωνος…