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LA RÉPUBLIQUE

sais comment, où il égalait les « levés » et les « baissés » et qui se terminait par une brève ou par une longue indifféremment. Il parlait aussi, je crois, d’un iambe et de je ne sais quel pied nommé trochée, où il ajustait des longues et des brèves ; et dans certains de ces mètres, csi je ne me trompe, il critiquait ou louait le mouvement de la mesure[1] non moins que les rythmes eux-mêmes ou quelque détail commun aux deux. Je ne sais pas au juste ce qu’il en est ; mais comme je l’ai dit, remettons-nous-en sur cette matière à Damon ; car cette discussion demanderait beaucoup de temps, n’est-il pas vrai ?

Si, par Zeus.

Mais voici du moins un point que tu peux trancher, c’est que la grâce et le manque de grâce dépendent de la perfection ou de l’imperfection du rythme.

Sans doute.

dMais le bon et le mauvais rythme se règlent et se modèlent l’un sur le bon style, l’autre sur le mauvais, et il en est de même de la bonne et de la mauvaise harmonie, s’il est vrai que le rythme et l’harmonie, comme nous le disions tout à l’heure, se règlent sur les paroles, et non les paroles sur le rythme et l’harmonie.

Vraiment, dit-il, c’est à eux à s’ajuster aux paroles.

Mais la manière de dire, repris-je, et les paroles elles-mêmes ne dépendent-elles pas du caractère de l’âme ?

Sans doute.

Et tout le reste ne dépend-il pas du discours ?

Si.

Ainsi l’excellence du discours, de l’harmonie, de la grâce et du rythme evient de la simplicité de l’âme, non pas de cette simplicité qui n’est que sottise en dépit du nom flatteur dont on la décore, mais de la simplicité véritable d’un caractère où s’allient la bonté et la beauté.

C’est très juste, dit il.

  1. Littéralement « les temps du pied » τὰς ἀγωγὰς τοῦ ποδός. L’unité de mesure était le χρόνος πρῶτος ou . Dès lors le dactyle a une τετράσημος ἀγωγή, l’iambe une τρίσημος, etc. La durée du χρόνος πρῶτος était naturellement relative, et non absolue, de sorte que le temps occupé à chanter ou déclamer un pied était variable, et il peut arriver qu’on réduise ainsi le dactyle à deux temps (ἔστιν ὅτε καὶ ἐν δισήμῳ (ἀγωγῇ) γίνεται δακτυλικὸς πούς, Excerpta Neapol. in Mus. Script. Cyr., § 14, éd.Jan).