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LA RÉPUBLIQUE

avoir assez de terre à pâturer et à cultiver ; et nos voisins de leur côté n’empiéteront-ils pas sur le nôtre, si, franchissant les bornes du nécessaire, ils s’abandonnent comme nous à el’insatiable désir de posséder ?

On sera bien forcé d’en venir là, Socrate, répondit-il.

Dès lors, Glaucon, nous ferons la guerre ? ou quel autre parti prendre ?

Il n’y en a pas d’autre, dit-il.

Si la guerre fait du bien ou du mal, repris-je, c’est une question qu’il n’est pas l’heure d’aborder ; bornons-nous à dire que nous avons découvert l’origine de la guerre dans cette passion qui est pour les États et les particuliers le plus funeste fléau chaque fois qu’il les frappe[1].

Ce n’est que trop vrai.

Dès lors, mon ami, il nous faut encore agrandir l’État, et non d’une accession légère, 374mais d’une armée entière qui puisse se mettre en campagne pour défendre les possessions de l’État et prendre celles de l’ennemi, comme je l’ai dit tout à l’heure, et qui livre bataille aux envahisseurs.

Mais quoi ? dit-il, les citoyens ne sont-ils pas capables de le faire eux-mêmes[2] ?

Non, repris-je, si le principe dont nous sommes tous convenus, toi comme les autres, reste vrai. Or nous sommes convenus, s’il t’en souvient, qu’il est impossible à un seul homme d’exercer comme il faut plusieurs métiers.

Tu as raison, répondit-il.

bEh bien ! repris-je, ne crois-tu pas que les luttes de la guerre relèvent d’un métier ?

Si, assurément, dit-il.

  1. L’origine de la guerre est donc le désir d’accroître son territoire et sa richesse. Platon dit également dans le Phèdre, 66 C : « C’est pour acquérir des richesses que les guerres arrivent » et Aristote en dit autant Polit. À 8 1256b 23.
  2. Glaucon parle en Athénien, Platon en citoyen de Lacédémone où la guerre est un métier. Cf. Isocrate Archid., 81 : « Si nous sommes supérieurs aux Grecs, ce n’est point par la grandeur du territoire, ni par le chiffre de la population, c’est parce que nous avons fondé un État semblable à un camp, bien administré et prêt à obéir aux chefs. » Platon aussi juge la constitution de Sparte supérieure à celle d’Athènes : il laconise.