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LA RÉPUBLIQUE

tables, des meubles de toute sorte, des ragoûts, des parfums, des essences à brûler, des courtisanes, des friandises, et chacune de ces superfluités sous toutes les formes possibles. On ne mettra plus simplement au rang des choses nécessaires celles dont j’ai parlé d’abord, les maisons, les vêtements, les chaussures ; on va désormais employer la peinture, et toutes les combinaisons de couleurs, et se procurer de l’or, de l’ivoire et toutes les matières précieuses, n’est-ce pas ?

bOui, dit-il.

En ce cas, agrandissons l’État ; car le premier, le sain, ne peut plus suffire ; il faut désormais l’amplifier et le remplir d’une multitude de gens dont la présence dans les cités n’aura plus d’autre objet que les besoins superflus, comme les chasseurs de toute espèce et la foule des imitateurs, soit ceux qui s’appliquent aux figures et aux couleurs, soit ceux qui cultivent la musique, c’est-à-dire les poètes et leur cortège de rhapsodes, d’acteurs, de danseurs, d’entrepreneurs de théâtre, et les fabricants d’articles de toute sorte et spécialement de toilette féminine. cIl faudra aussi accroître le nombre des serviteurs, ou bien ne crois-tu pas que nous aurons besoin de pédagogues, de nourrices, de gouvernantes, de femmes de chambre, de coiffeurs et aussi de cuisiniers et de bouchers ? Ajoutons-y encore des porchers[1]. Tout cela ne se trouvait pas dans notre premier État ; nous n’en avions pas besoin ; mais dans celui-ci ils nous sont indispensables. Il nous faudra encore des bestiaux de toute espèce pour ceux qui auront envie d’en manger ; n’est-ce pas vrai ?

C’est incontestable.

Mais avec ce régime les médecins nous seront bien plus dnécessaires qu’auparavant.

Beaucoup plus.


Il faut empiéter
le territoire des
voisins et entretenir
une armée de
métier.

XIV  Et le pays qui suffisait jusqu’ici à nourrir ses habitants deviendra trop petit et insuffisant. Qu’en penses-tu ?

C’est vrai, dit-il.

Dès lors ne serons-nous pas forcés d’empiéter sur le territoire de nos voisins, si nous voulons

  1. Auparavant on ne mangeait pas de viande, et l’on n’élevait pas de cochons ; car le cochon n’est bon qu'à manger.