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INTRODUCTION

de vingt années d’enseignement actif à l’Académie et de silence littéraire (p. 21). Nous ne pouvons discuter ici cette thèse, qui tient à tout un système d’interprétation[1]. Zeller avait jadis une autre solution : il rejetait sans hésiter le témoignage de la Lettre VII, qu’avec beaucoup d’autres critiques il regardait comme évidemment apocryphe. Mais, si la lettre est apocryphe, elle est née dans l’Académie du ive siècle : il faut donc expliquer comment, dans ce cercle intime, on pouvait entretenir de telles convictions sur la date de la composition de la République ou au moins sur la date où Platon avait conçu l’idée fondamentale de sa République[2].

Sommes-nous donc vraiment obligés, par cette « citation » de la République dans la Lettre VII, de choisir entre les trois assertions : la lettre est apocryphe, — la République a tout entière été composée avant 388 ou très peu après 388, — notre édition de la République a été précédée d’une édition antérieure, celle-là composée avant 388 ? Pohlenz (p. 161), tout en acceptant l’authenticité de la lettre, doutait lui-même que Platon eût déjà trouvé, avant son premier voyage en Sicile, la formule exacte que nous donne Rép. 473 d. Mais il notait que la pensée est déjà, au fond, contenue dans le Gorgias. En tout cas, nous savons que l’évolution qui conduisit Platon du Gorgias à la République fut logique et continue. Or, lorsque Platon écrit la Lettre VII, vers 354, il a soixante-treize ans. Il répond aux amis de Dion qui lui demandent conseil. Il répond aussi, sans le dire, aux critiques et aux railleries qu’ont excitées ses entreprises politiques et leur issue malheureuse. Il refait alors l’histoire de sa vie et de ses idées ; mais,

  1. La position de Taylor est la même, dans l’ensemble, que celle de Burnet (voir, de celui-ci, Platonism, Berkeley, 1928, p. 15 : il y a deux Platon, celui de la jeunesse, grand génie dramatique, qui se donna pour tâche de peindre Socrate tel qu’il était ; l’autre, qui a perdu ce pouvoir créateur, mais dirige une école, a une philosophie propre, etc. Au premier appartiennent toutes les œuvres qui précèdent la fondation de l’Académie). Les situations soit scientifiques, soit politiques que vise la République sont uniquement celles du ve siècle (Taylor, p. 289, p. 295 et suiv.).
  2. Zeller, II, i4, p. 551, n. 2 ; au contraire Pohlenz (p. 213) : « On a dû croire dans l’Académie que Platon, dès avant son voyage de Sicile, avait conçu la nécessité de l’État idéal », ceci pour conclure à une 1re éd. de Rép.