Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome VI.djvu/139

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
cxxxiii
INTRODUCTION

vague programme du genre Busiris, n’est-ce pas le programme et l’esprit platoniciens qu’aux lecteurs de la République devait évoquer la formule volontairement brève du Timée : μαθήμασίν τε ὅσα προσήκει τούτοις.. ἐν ἅπασι ? Comment auraient-ils pu supposer que Platon, en de telles allusions, reculait d’un bond par-dessus les hauteurs de la République, pour nous ramener aux platitudes genre Busiris d’une prétendue pré-République depuis longtemps oubliée ? Quant à nous, comment pourrions-nous supporter l’hypothèse d’un Platon s’attardant, à quelque moment et dans quelque œuvre que l’on prétende, à des conceptions d’un niveau si moyen ?

Mais la phrase d’Isocrate sur les philosophes politiques les plus célèbres s’applique, dit-on, à Platon et ne peut s’appliquer à nul autre. Pourquoi ? Concédons qu’Hippodamos ne peut guère être visé ; mais Wilamowitz indiquait Pythagore, et toute la suite du texte (28) plaide dans ce sens. Delatte a prétendu, non sans raison, que les passages sur la « philosophie », les prêtres égyptiens et leurs méthodes médicales ou sur les rôles différents qu’ils donnent aux anciens et aux jeunes (22-24) ne sont « qu’un démarcage, à peine déguisé, de la philosophie et des mœurs pythagoriciennes » (Essai, p. 45). En tout cas, au τῶν φιλοσόφων τοὺς ὑπὲρ τῶν τοιούτων λέγειν ἐπιχειροῦντας καὶ μάλιστ’ εὐδοκιμοῦντας (17) correspond nettement la phrase sur Pythagore, attendant de sa piété, sinon la faveur des dieux, ἀλλ’ οὖν παρά γε τοῖς ἀνθρώποις ἐκ τούτων μάλιστ’ εὐδοκιμήσειν (23). La phrase suivante (29) sur sa gloire éminente (τοσοῦτον γὰρ εὐδοξίᾳ τοὺς ἄλλους ὑπερέβαλεν) et sur l’influence actuelle de son école, ne fait qu’accentuer ce parallélisme. Isocrate habille donc à l’égyptienne les idées des Pythagoriciens de son temps sur la politique aussi bien que sur la religion, et, lors même qu’il n’aurait pas, comme le suppose avec quelque vraisemblance Wilamowitz (I, 242/3, II, 116, n. 3), trouvé dans un libelle contemporain ce qu’il nous dit des rapports de Sparte avec l’Égypte, nous savons qu’une vieille tradition littéraire pouvait le lui inspirer. Rien, dans le Busiris, ne nous contraint de recourir à une pré-République dont et le Busiris et le début du Timée garderaient les traces. Platon, certes, a lui-même habillé à l’égyptienne ses propres idées, ou plutôt, projetant dans le passé ses rêves d’avenir, il a voulu leur donner le plus de recul historique possible. Quel meilleur moyen avait-il de leur