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INTRODUCTION

phie et un grand zèle pour la religion, certain que sa piété lui vaudrait, sinon les faveurs divines, en tout cas la plus grande renommée parmi les hommes. L’événement lui a donné raison, car (29) sa gloire devint si éminente que tous les jeunes gens voulaient être ses disciples, et que tous les parents acceptaient avec joie de voir leurs enfants négliger tout le reste pour le suivre. Nous les comprenons, car, maintenant encore, ceux qui se disent ses disciples sont plus admirés, même gardant le silence, que les orateurs les plus réputés.

Dans ce développement d’Isocrate, on relève d’abord la phrase sur « les philosophes les plus fameux » qui se sont occupés de politique, et l’on demande : « Qui peut-elle viser si ce n’est Platon » ? La division en trois classes est d’ailleurs la sienne, les prêtres ici correspondant à ses philosophes. Les arguments qui justifient la division du travail sont les siens. Les traits que Lacédémone est supposée emprunter à l’Égypte, repas publics, vie uniquement militaire, interdiction des voyages à l’étranger, se retrouvent dans le règlement des gardiens de la République, et nous retrouvons aussi bien dans la République l’application des jeunes gens aux mathématiques et des hommes mûrs au gouvernement. Donc c’est la cité parfaite de Platon qu’Isocrate vise ici. A-t-il donc en vue la République même ? C’est impossible : le Busiris ne peut guère être postérieur à 385, car Isocrate insiste, dans sa conclusion, sur l’audace qu’il paraît avoir en faisant la leçon à Polycrate, lui, le plus jeune des deux (νεώτερος ὤν). D’ailleurs, où trouver, dans notre République, l’éloge déclaré de la constitution égyptienne ? Platon y parle des Égyptiens en passant, jamais de leur constitution. Il en parle autre part, assurément, et c’est au début du Timée. Là, nous retrouvons les trois classes : prêtres, guerriers, artisans ; l’étroite spécialisation des métiers, l’éducation scientifique des prêtres ; et le détail du texte offre certains parallélismes frappants avec le Busiris. Or, Isocrate n’utilise certainement pas ici le Timée, pas plus que le Timée ne peut avoir imité cette pièce de rhétorique qu’est le Busiris. Donc Timée et Busiris sont l’écho d’un ouvrage antérieur. Nous savons que Platon se réfère, dans ce début du Timée, à une première édition de sa République. Donc c’est là qu’il a parlé de la constitution égyptienne et c’est à l’ordre de choses prôné par cette République première manière que le Busiris d’Isocrate fait allusion dans tout cet exposé.