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INTRODUCTION

civile jusqu’au retour de la démocratie triomphante. Charmide et Critias avaient été tués les armes à la main. Malgré quelques vengeances inévitables, les vainqueurs surent en général pratiquer l’amnistie jurée, et Platon, bien qu’ébranlé dans sa foi par de si douloureuses expériences, se reprenait au désir de contribuer à la restauration de la justice et de l’ordre, lorsqu’arriva la suprême catastrophe : Socrate, accusé d’impiété par un ancien ami de Théramène, Anytos, fut condamné à mort, en 399.

Ce fut le grand coup porté aux espérances de Platon, aux illusions qu’il gardait sur la possibilité de sauver son pays par l’action politique immédiate. Plus il avançait en âge, plus il se rendait compte que tout était corrompu : les hommes, les lois, les mœurs. Il essaya d’espérer encore, il attendit en vain quelque signe d’amélioration. Finalement, nous dit-il, « je compris que tous les États actuels sont mal gouvernés, car leur législation est à peu près incurable sans d’énergiques préparatifs joints à d’heureuses circonstances. Je fus alors irrésistiblement amené à louer la vraie philosophie et à proclamer que, à sa lumière seule, on peut reconnaître où est la justice dans la vie publique et dans la vie privée. Donc les maux ne cesseront pas pour les humains avant que la race des purs et authentiques philosophes n’arrive au pouvoir ou que les chefs des cités, par une grâce divine, ne se mettent à philosopher véritablement ». C’est ainsi que la Lettre VII, exposant rétrospectivement les expériences politiques de Platon jusqu’à l’époque de son premier voyage en Sicile (324 b-326 b, trad. Souilhé), esquisse en fait la genèse intérieure de la République.

Ainsi trois expériences principales ont ouvert les yeux de Platon sur la politique telle qu’elle se fait pour la corruption et la ruine de la cité, et sur la politique telle qu’il la faudrait faire pour que la cité soit juste et heureuse. Le spectacle de la tyrannie des Trente, puis la condamnation de Socrate lui ont prouvé l’égale impuissance et l’égale injustice de l’oligarchie et de la démocratie. Mais aurait-il compris cette impuissance et cette injustice irrémédiables, s’il n’y avait été préparé par la critique mordante qui faisait des entretiens de Socrate le scandale des uns et le ravissement des autres ? Aurait-il hésité devant les invitations de ses parents et de ses amis, serait-il resté, malgré les espérances qu’il avoue et qui étaient