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INTRODUCTION

que nous trouvons ici (608 c-611 a), et un mythe eschatologique moins étendu que celui de notre République, plutôt analogue à celui du Gorgias (Prolegomena, p. 242). D’ailleurs, cet exposé des récompenses ou des châtiments qui attendent l’homme dans une autre vie était indispensable comme pendant aux considérations émises par Céphale au début du prélude (330 d-331 b), de même que l’exposé général des avantages de la justice, en ce monde ou dans l’autre, était indispensable comme retour à la vérité, après l’abstraction acceptée par Socrate pour de pures raisons de méthode (367 e-368 c).

Quelle preuve de l’immortalité de l’âme Platon devait-il donner ici pour rester dans le ton général de la République ? Autant que possible, évidemment, une preuve tirée des notions de justice et d’injustice. Aucune, en fait, n’était plus appropriée que la présente, qui fait pendant à la considération de la vertu propre dans le Livre I (352 e-354 a) et à la démonstration établissant, à la fin du Livre IV, que la justice est le bien propre et l’injustice le mal propre de l’âme (434 c-445 b). Toute l’étude sur la nature de la justice et sur son rôle dans la société, c’est-à-dire, en somme, toute la République à partir du Livre II, n’a été entreprise que pour montrer, à la demande de Glaucon, que l’injustice est elle-même le plus grand mal de l’âme (366 e-367 e). Si l’on peut maintenant prouver que ce plus grand mal de l’âme, tout en ruinant son bonheur, est impuissant à la détruire, quel relief nouveau donné au malheur que crée naturellement l’injustice, puisque, ce malheur, elle l’éternise ! Car toute chose est détruite par son mal propre, comme elle est conservée par son bien propre, et, si l’âme fait vraiment exception, si elle n’est pas détruite par son mal propre, l’injustice, quel autre mal pourra jamais la détruire ? Pas celui du corps, — mort ou maladie —, car le mal d’une chose ne saurait détruire une autre chose que si elle influe sur le mal propre de celle-ci et l’augmente. La maladie ou la mort du corps n’aurait donc d’action sur l’âme que si elle augmentait son mal propre, l’injustice. Mais, pour soutenir cette séquence nécessaire entre la mort du corps et l’injustice de l’âme, il faudrait pouvoir soutenir que cette séquence existe dans les deux sens, et que l’injustice de l’âme tue le corps. Quelle délivrance ce serait d’ailleurs pour le criminel ! Mais c’est faux :