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NOTICE

on ne pas savoir ce qu’on sait[1] ? Il y reviendra dans le Cratyle (385 b) et surtout dans le Sophiste (236 e-246 a), où il examinera de nouveau cette proposition : « il n’est pas possible de parler faux ». Dans ce dernier dialogue, la cinquième définition du sophiste : athlète en discours, dont la spécialité est l’éristique (231 e), s’applique avec une surprenante exactitude à Euthydème et Dionysodore. N’est-ce pas à eux que songe Platon, quand il parle de ces contradicteurs de métier, doués en apparence d’un savoir universel, capables sur tout sujet d’en remontrer à tout le monde, et habiles à rendre vrai le faux ? Mais cette fois, allant au fond des choses, il prouve, en démontrant contre Parménide l’existence du non-être, que le discours peut être faux. Et, opposant entre elles les deux méthodes d’éducation, il fait voir que la maïeutique de Socrate n’a rien de commun avec les procédés sophistiques.


Mise en valeur de la dialectique socratique.

Pour ruiner l’éristique, l’Euthydème ne se borne pas à en dénoncer la virtuosité puérile et la stérilité. En face de cette méthode qu’il ridiculise et condamne, Socrate expose la sienne. Si les trois discussions menées par les sophistes restent sans effet, il en est tout autrement des deux entretiens de Socrate avec Clinias. S’emparant du thème que les deux éristiques ne veulent ni ne peuvent traiter, Socrate montre les résultats féconds obtenus par la véritable dialectique, — la sienne[2]. Il établit que la σοφία est le seul vrai bien, et que la φιλοσοφία, ou recherche du savoir, est la condition nécessaire du bonheur. Plus loin, il est vrai, le dialogue s’engage dans une impasse : quelle sorte du savoir faut-il acquérir ? Après avoir montré que cette science doit non seulement produire, mais enseigner le moyen d’utiliser à propos ce qu’elle produit, Socrate, arrivé à l’art « royal », se déclare incapable de pousser plus loin son enquête. D’où vient qu’il proclame ici son embarras ? Doit-on croire que Platon, quand il écrivait l’Euthydème, n’avait

  1. Théét., 163-166.
  2. Gomperz, o. l., p. 509, insiste avec raison sur le contraste « profond et calculé » que la méthode de Socrate offre ici avec celle des deux éristiques.