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NOTICE

Homère une admiration particulière. Il lui avait consacré de nombreux écrits[1], et s’efforçait, en l’expliquant à sa mode, de retrouver chez lui les principes de sa propre morale[2]. L’auteur de l’Ion, comme celui du Banquet, attaquerait à mots couverts un ouvrage d’Antisthène, dont Ion représenterait la doctrine en donnant Homère pour la source de toute science. Bref, l’Ion marque, nous dit-on, une phase de la polémique de Platon contre Antisthène.

Si séduisante que puisse paraître cette hypothèse, et si intéressantes que soient les conclusions à en tirer, elle soulève de graves objections[3]. Bornons-nous à indiquer la plus directe. Quand Socrate, dans le Banquet de Xénophon, parle d’ὑπόνοιαι, il fait évidemment allusion à l’interprétation allégorique : on n’en peut douter, puisqu’il emploie le mot propre. Mais nulle part dans l’Ion il n’est question d’ὑπόνοιαι. Pour qualifier ses trouvailles d’exégète, le rhapsode se sert du mot διάνοιαι, qui a une tout autre valeur[4]. Lui-même il laisse entendre ce qu’il veut désigner par là. Son commentaire doit être une paraphrase élogieuse[5], par où il s’attache à faire ressortir les beautés d’Homère[6]. Ainsi paraît comprendre Socrate, qui appelle Ion Ὁμήρου ἐπαινέτης (536 d et 542 b fin), bien que l’expression ait en plusieurs endroits chez Platon un sens fort étendu[7].


Le véritable objet du dialogue.

Mais si les commentaires du rhapsode se réduisent à une paraphrase élogieuse sans portée philosophique, est-il vraisemblable que l’auteur de l’Ion ait consacré tout un dialogue à un si mince objet ? Schleiermacher[8] observe que les rhap-

  1. Diogène de Laërte, VI, 9, 15-18.
  2. Peut-être, notamment, dans les traités Περὶ ἐξηγητῶν et Περὶ Ὁμήρου.
  3. W. Janell, Quaestiones Platonicae, 1901, p. 328, note 10.
  4. id.
  5. On peut songer aussi à des amplifications comme celle dont se vante Hippias (Hipp. maj., 286 a et suiv.). Cf. Janell, o. l., p. 328.
  6. Εὖ κεκόσμηκα τὸν Ὅμηρον (530 d).
  7. Cf. Protag., 309 a ; Rép., X, 606 e etc. Voir Nitzsch, o. l., p. 9, et U. von Wilamowitz-Moellendorff, Platon, zweiter Band, zw. Auflage, Berlin, 1920, p. 41, note 2.
  8. O. l., p. 181.