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EUTHYDÈME

n’est ici que le porte-parole de Platon[1]. Il peut bien terminer son discours en renouvelant aux sophistes sa prière d’être admis parmi leurs disciples : on sait maintenant comme il les juge, et ce que cette faveur vaudrait à ses yeux.


Les différents tons et les attitudes.

C’est cette personnalité des divers interlocuteurs qui donne à l’Euthydème tant de vie et de valeur dramatique. Elle apparaît dans le langage même que l’auteur leur prête, et où se reflètent, avec la finesse la plus expressive, leur tour d’esprit et leur tempérament. Chacun d’eux a sa façon de raisonner et son style propre. Mais nous ne les entendons pas seulement parler : nous voyons leurs attitudes et leurs gestes, notés avec une sûreté et un sens de l’effet qui révèlent chez Platon le don de la scène. L’auteur évoque exactement le décor : le gymnase du Lycée, le vestiaire où Socrate est assis seul, puis le promenoir couvert où vont et viennent les deux sophistes. Après l’arrivée d’Euthydème et de Dionysodore, suivis de leurs disciples, c’est l’entrée de Clinias avec ses admirateurs, le brouhaha des assistants qui prennent place. Les deux sophistes, qui causent ensemble, s’arrêtent en voyant Clinias s’asseoir auprès de Socrate, et jettent sur eux des coups d’œil répétés (273 b). À l’éloge dont Socrate les salue, ils répondent en échangeant un regard de mépris et en se mettant à rire, tous deux ensemble, comme si un même mécanisme réglait leurs mouvements (273 d). Un instant après, ils répondent en chœur à une question de Socrate (274 a). Comme il s’excuse de leur proposer le thème à traiter, Euthydème, qui n’est jamais pris au dépourvu, accepte avec bravoure et assurance (275 b). On le verra plus loin, appelé à l’aide par Socrate, entamer sans hésitation, sur un ton solennel, un interrogatoire qui, pas plus que les précédents, ne touchera au sujet (293 a). Les mines de Dionysodore ont été marquées par Platon avec un soin particulier : c’est en effet le personnage grotesque du dialogue. Quand son frère commence à interroger Clinias, il se penche

  1. Il est étrange que certains critiques aient jugé « indulgent et enjoué » le comique de l’Euthydème. Bonitz, Platonische Studien³, p. 133, s’élève contre cette appréciation. Voir aussi Gifford, The Euthydemus of Plato, 1905, p. 11 et suiv.