Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome V, 1.djvu/128

Cette page a été validée par deux contributeurs.
240 a
92
MÉNEXÈNE

sous le commandement de Datis[1], avec l’ordre de ramener les Érétriens et les Athéniens, s’il voulait garder b sa propre tête. Datis, ayant fait voile vers Érétrie contre des hommes qui étaient alors en Grèce parmi les plus réputés dans l’art de la guerre, et se trouvaient en nombre, les soumit en trois jours, et fouilla tout leur pays, pour n’en laisser échapper aucun, de la manière suivante : arrivés aux frontières d’Érétrie, ses soldats firent la chaîne d’une mer à l’autre en se tenant par la main, et traversèrent ainsi tout le territoire pour pouvoir c dire au Grand Roi que nul ne leur avait échappé[2]. C’est dans ce même dessein que d’Érétrie il débarquèrent à Marathon, croyant bien facile de ramener aussi les Athéniens, après les avoir ployés sous le même joug que les gens d’Érétrie. De ces entreprises l’une était déjà exécutée et l’autre en voie de s’accomplir sans qu’aucun des Grecs[3] fût venu au secours d’Érétrie ni d’Athènes[4], à l’exception des Lacédémoniens (encore ceux-ci arrivèrent-ils le lendemain de la bataille[5]) ; tous les autres, frappés de crainte, se tenaient cois, d heureux de leur sécurité présente. Qu’on se transporte à ce moment-là : on pourra connaître ce qu’étaient les vaillants qui reçurent à Marathon le choc des forces barbares, châtièrent leur insolence et dressèrent, les premiers, un trophée sur les Barbares : ils ouvrirent la voie aux autres, en leur enseignant que la puissance perse n’était pas invincible et qu’il n’est nombre ni richesse qui ne le cède à la valeur. Pour moi, je le déclare, ces hommes-là e furent les pères, non seulement de nos personnes, mais de notre liberté et de celle de tous les habitants qui peuplent ce continent. Car c’est les yeux fixés sur cette

  1. Dans l’été de 491, une flotte quitta Samos avec un corps de débarquement ; elle était sous les ordres d’Artapherne, neveu de Darius, et de l’amiral mède Datis. Les Perses se dirigèrent vers Naxos et pillèrent la ville, que ses habitants avaient abandonnée ; toutes les Cyclades furent soumises. En Eubée l’ennemi, avant d’attaquer Érétrie, fit le siège de Carystos.
  2. Voir la Notice, p. 65.
  3. Hérodote, VI, 100. Sur la prière des Érétriens, Athènes leur envoya quatre mille hommes. Mais ceux-ci, devant l’incertitude et le danger de la situation, se retirèrent à Oropos.
  4. Inexact. Un renfort de mille Platéens soutenait les Athéniens à Marathon. Voir la Notice, p. 64.
  5. La fête des Carneia les avait empêchés de partir à temps.