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PHÉDON

intégrante d’un autre sujet. Mais inversement, si le Non-mortel relève de la première solution, alors l’âme, étant sujet nécessaire du Non-mortel, sera elle-même indestructible. C’est là un argument qui se suffit à lui-même et qui n’a pas besoin d’être rattaché à un autre[1]. À une condition pourtant : c’est que Non-mortel signifie indestructible et d’une perpétuelle durée. Or c’est de quoi chacun conviendra, en considérant l’exemple de la Divinité, et surtout l’essence même de la Vie qui n’est rien que vie, essence qui, on l’a vu (cf. 105 cd), est inséparable de la nature de l’âme (106 b-d).

Cette conclusion théorique devra être maintenant rapportée à la circonstance de fait, la mort physique, qui a motivé les doutes de Cébès sur l’attitude que doit en face d’elle tenir un vrai sage. Il n’a point contesté que l’homme fût composé d’un corps et d’une âme, puisqu’il accorde à cette âme une énergie intrinsèque ; puisqu’à présent il admet que cette énergie, au lieu de s’user à la longue, est réellement indestructible et que, ayant accepté la réminiscence, il admet aussi que cette énergie s’accompagne de pensée (cf. 70 b, 76 c). Il lui faut donc accorder toutes les conséquences de ce qu’il a admis : il devra convenir que ce que détruit la mort de l’homme, c’est ce qu’il y a en lui de mortel, son corps ; en revanche la partie non mortelle, son âme, se retire de lui intacte et sans dommage, pour faire place à la mort. Par conséquent nos âmes doivent après le trépas subsister chez Hadès. Cébès se déclare convaincu et délivré de ses doutes (106 e sq.).

Avec la discussion de la théorie de Cébès le caractère du Phédon s’est profondément modifié : la forme en est devenue singulièrement plus abstraite et même, par endroits, presque scolastique. Quant au progrès réalisé, surtout par rapport à cette troisième raison qui était le point culminant de la deuxième partie, il est évident. On a vu ce que cette raison ajoutait aux précédentes et ce qui lui manquait pour constituer une preuve (p. xxxiv et xxxvii). Or, contre la théorie de l’âme-harmonie Platon avait établi déjà ce qu’on peut appeler le postulat de l’animisme : notre âme n’est pas une résultante de la vie de son corps, mais c’est elle qui le fait vivre ;

  1. C’est « le résultat satisfaisant » (τι ἱκανόν) auquel on s’élève de proche en proche et auquel, par rapport à l’objet de la recherche, on rattache tous les résultats antérieurement obtenus ; cf. 101 e.