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NOTICE

part il y a la multiplicité des sujets qui sont appelés beaux, égaux, etc., recevant ainsi, sous forme d’épithète ou d’attribut, la dénomination qui appartient en propre aux essences de tout à l’heure ; tous les caractères de ces sujets s’opposent à ceux des choses de l’autre classe ; ils sont visibles et sensibles de toute manière, tandis que les essences ne sont accessibles qu’à la réflexion et au raisonnement (cf. 65 d-66 a), étant en effet invisibles (78 c-79 a).

On peut donc admettre deux genres de l’être : le genre visible, ou de ce qui change incessamment ; le genre invisible, ou de ce qui est toujours identique. Or, notre corps et notre âme étant à leur tour deux choses distinctes, c’est évidemment avec le premier genre que le corps a le plus de parenté et de ressemblance, et l’âme, puisque nous au moins nous ne la voyons pas, avec le genre de l’invisible (79 ab). — Une première conclusion, c’est, comme déjà l’indiquait le plaidoyer (cf. 65 b-d), que le corps tire du côté de ce qui change toujours une âme qui recourt à lui et à ses sensations pour examiner une question qui la concerne, qu’il fait hésiter et divaguer sa démarche ; mais qu’au contraire, si elle ne compte pour cela que sur elle-même, elle se porte alors vers ce à quoi elle est apparentée, vers ce qui est pur, immortel, immuable ; à ce contact, elle acquiert elle-même pour toujours cet état d’immutabilité dont le nom est pensée (79 c-e). — Une seconde conclusion, c’est que la maîtrise du Divin, la servitude du mortel (cf. 62 bc) se retrouvent, pour un même être, dans la relation de son âme à son corps : c’est au mortel que le corps ressemblera le plus et l’âme, inversement, au Divin (79 e-80 a).

Quel est le résultat dernier de cette analyse ? Ce qui est divin, immortel, intelligible, unique en sa nature essentielle, indissoluble, toujours identique en soi et dans ses relations, voilà à quoi l’âme ressemble le plus, et le corps au contraire à ce qui a toutes les propriétés opposées. En conséquence, c’est la partie visible du composé humain, le corps, qui est après la mort vouée à la dissolution. Sans doute elle peut, dans certaines conditions ou grâce à certains artifices ou dans quelques-uns de ses éléments, échapper pour un temps plus ou moins long à cette dissolution naturelle. Mais c’est une raison de plus pour se refuser à croire que l’âme, étant la partie invisible et celle qui est appelée à trouver au pays de l’Invisible,