Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome IV, 1 (éd. Robin).djvu/36

Cette page a été validée par deux contributeurs.
xxxii
PHÉDON

souhaitent cependant un examen plus approfondi, c’est sans doute que leurs puériles frayeurs ne se sont pas encore évanouies. Or pour les chasser, c’est à des exorcismes, à des enchantements qu’il faut avoir recours, en se persuadant toutefois que personne n’est, plus que nous-mêmes, apte à les pratiquer heureusement. Donc, en reprenant la discussion au point où elle est restée, Platon procède comme si jusqu’à présent rien n’avait été fait pour vaincre les doutes de Cébès ; il ne vise encore qu’à substituer à l’incroyance inquiète, ou à une croyance qui fait peur, une autre croyance qui réconforte et à composer cette croyance, que chacun est maître de se donner, avec des représentations vraisemblables (77 d-78 b). La portée de la troisième raison, que l’on tend souvent à surestimer, se trouve ainsi limitée : elle n’est qu’un nouvel aspect de la παραμυθία, instruction et sermon à l’usage de ceux qui n’ont pas la foi.

Au reste la question présente est posée en des termes qui nous reportent aux frayeurs de Cébès : à quelle sorte de chose appartient-il de se dissiper ? pour quelle sorte de chose peut-on craindre un tel accident ? est-ce pour l’âme ? Ainsi l’on verra, en ce qui concerne celle-ci, comment doit être envisagé l’instant de la mort, avec crainte ou avec confiance. On rejoint même ainsi le thème fondamental du plaidoyer de Socrate.

1o La troisième raison de croire à l’immortalité de nos âmes se fonde sur un double postulat de sens commun : d’abord une distinction entre choses incomposées et choses composées, celles-ci se décomposant d’autre part en leurs parties constitutives ; puis cette probabilité que les choses incomposées gardent toujours leur nature essentielle et leur rapport, tandis que les composées changent sans cesse dans leur nature et dans leurs relations (78 bc)[1].

Appliquons cela aux analyses antérieures. D’une part il y a ces pures essences dont les demandes et réponses de la dialectique s’efforcent d’expliciter l’existence indépendante : le Beau en tant que beau, l’Égal en tant qu’égal, etc. ; chacune d’elles possède l’identité permanente de nature et de relation qui est le propre des choses incomposées, avec l’unité formelle, puisqu’elles ne sont rien d’autre que ce qu’elles sont. D’autre

  1. Voir p. 35, n. 1 et p. 39, n. 2.