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NOTICE

mais qui, sans parler de l’application qu’elle reçoit plus tard (83 d), appelle déjà l’attention des auditeurs sur la solidarité générale des contraires. C’est une première touche par laquelle est indiqué un thème essentiel du dialogue.

Puis l’idée qu’Ésope, s’il y avait songé, aurait représenté par une fable, c’est-à-dire par une histoire racontée ou un mythe, cette solidarité du plaisir et de la peine (60 c) est le pivot sur lequel se met à tourner l’entretien, poussant toujours plus avant le rayon de la recherche, élargissant graduellement le cercle décrit. Cette idée provoque en effet une question incidente de Cébès : pourquoi, depuis qu’il est en prison, Socrate a-t-il pour la première fois de sa vie écrit des compositions poétiques et musicales ? La réponse de Socrate contient en germe les deux thèmes sur lesquels s’engagera la discussion. Un songe, dit-il, l’a souvent visité, lui apportant une invitation de la Divinité à faire de la musique ; s’il avait bien interprété cette invitation dans le passé[1], elle ne se serait pas renouvelée ; il y voit, en ce qui le concerne, une intervention bienveillante d’Apollon. C’est d’autre part un bonheur pour le Sage de quitter la vie le plus tôt possible. Or deux idées sont impliquées dans cette réponse : le scrupule religieux et le souci actif de l’obéissance aux dieux supposent en effet que, par rapport à ceux-ci, les hommes sont dans une dépendance dont il y aura lieu de déterminer la nature ; en outre, la mort est un bien ; mais pourquoi et à quelles conditions ? C’est le problème, problème auquel est liée l’autre croyance.


Première partie,
61 c-69 e.

I. Puisque la mort est un bien, un vrai philosophe ne devra-t-il pas se la donner à lui-même ? Socrate ayant posé en principe que la conscience religieuse l’interdit, Cébès s’en étonne. L’enseignement de Philolaüs ne les ayant pas éclairés là-dessus, Simmias et lui, l’occasion est bienvenue de faire du problème de la mort l’objet d’une recherche approfondie et de raconter ce qu’on pense[2] du grand voyage. Le but de l’entretien est ainsi défini (61 c-e).

  1. En considérant la philosophie comme la forme la plus élevée de la musique, 61 a. Cette idée, pythagorique d’origine, est bien exposée dans les Lois III, 689 cd ; cf. Rep. VIII, 548 b et III, 411 c sqq.
  2. C’est sur une tradition que Socrate se fondera pour en parler,