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PHÉDON

serait attaqué par quelque chose de froid, ne s’éteindrait ; il ne cesserait pas, lui non plus, d’exister, mais il s’en irait, se sauvegardant par l’éloignement. — C’est une nécessité, dit-il. — N’est-ce pas, reprit Socrate, une nécessité encore b de s’exprimer ainsi au sujet de l’Immortel ? L’Immortel est-il, lui aussi, indestructible ? alors il y a pour l’Âme, quand sur elle a fondu la Mort, impossibilité de cesser d’exister ; car la Mort, c’est une conséquence assurée de ce qui a été dit auparavant, elle ne la recevra point en elle, elle ne sera pas âme morte ; tout comme le Trois, nous l’avons dit, ne sera pas plus pair que ne pourrait l’être l’Impair lui-même ; ni non plus le Feu, froid, plus que ne le pourrait la Chaleur qui est dans le feu[1].

« Peut-être demandera-t-on cependant qui empêche l’Impair, tout en ne devenant pas pair, ainsi qu’on en est tombé d’accord, à l’approche du Pair, de cesser en revanche d’exister en lui-même c pour devenir pair au lieu de ce qu’il était ? À l’encontre d’un tel langage il n’y aurait pas moyen pour nous de riposter que l’Impair ne cesse pas d’exister : c’est que le Non-pair n’est point indestructible ; car, si nous en étions tombés d’accord, il nous eût été facile de riposter que, devant l’approche du Pair, l’Impair et le Trois s’en vont et s’éloignent. Pour le cas du Feu et du Chaud, comme pour tous les autres, telle eût été notre riposte, n’est-ce pas ? — C’est tout à fait certain. — Par conséquent aussi à présent, si pour l’Immortel nous sommes d’accord qu’il est en outre indestructible, l’Âme en plus de la non-mortalité aurait aussi l’indestructibilité ; d tandis que, si nous ne le sommes pas, la question serait à reprendre. — À reprendre ? Mais pas du tout, au moins eu égard à ce point ! À grand peine en effet y aurait-il rien de rebelle à recevoir en soi l’anéantissement, s’il était vrai que l’anéantissement dût être reçu par l’Immortel, auquel l’éternité appartient[2] ! — En tout cas, dit Socrate, pour la Divinité, je pense, pour la forme elle-même de la Vie, pour tout ce qu’il peut encore y avoir d’immortel, il n’y aurait personne pour ne pas accorder que jamais cela ne

  1. Première conclusion : Donc l’âme ne reçoit pas en elle la mort. Âme non-vivante est aussi contradictoire que fiévreux non-malade ou feu non-chaud : elle est donc non-mortelle (cf. p. 80, n. 1).
  2. Or non-sain, non-froid peuvent être détruits par leurs contraires, de sorte que la fièvre tombe et que le feu s’éteigne. Mais non-