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PHÉDON

Par conséquent, à l’époque où semble avoir été composé le Phédon, Platon a déjà accompli son grand voyage en Égypte, à Cyrène, dans la Sicile et la Grande-Grèce ; il est déjà le chef d’une école, qu’il vient d’établir dans le parc d’Académus (388). Il est en possession d’une méthode pour apprendre et pour enseigner, dont le Phédon peut désigner la technique par voie de simple allusion, quitte à en préciser ensuite l’usage (75 d, 78 d et 101 d sqq.). Il a une théorie de la connaissance et de l’être, à laquelle il se réfère dans le Phédon comme à une doctrine depuis longtemps rebattue et qui a son vocabulaire spécial, ou qui le cherche[1] ; théorie déjà familière à ceux pour qui il écrit. L’orientation mathématique de sa pensée, déjà manifestée dans le Ménon et dont le VIIe livre de la République fixera le caractère symbolique et préliminaire, se révèle aussi dans le Phédon par l’emploi privilégié des exemples ou des représentations mathématiques[2]. Tout cela, certes, est mis dans la bouche de Socrate. Mais Socrate est ici personnage d’un dialogue dont l’auteur est Platon. Donc, tant qu’il n’aura pas été prouvé par des raisons décisives[3] que le Phédon est d’un bout à l’autre un témoignage historique relativement à Socrate, on sera en droit de penser que, s’il constitue un document, ce doit être surtout en ce qui concerne son auteur.

Aucun doute sérieux ne peut être élevé sur l’authenticité du dialogue. On a pu croire, sur la foi d’une épigramme qui se lit au bas du premier feuillet du Phédon dans un de nos manuscrits (le Venetus, Append. class. 4, cod. 1, celui qui sera désigné par le sigle T), que cette authenticité avait été contestée par le Stoïcien Panétius. Ce n’est qu’une méprise sur le sens de l’épigramme : les doutes de Panétius portaient, non sur l’attribution de l’ouvrage à Platon, mais sur la valeur des arguments qui y sont allégués en faveur de l’immortalité des âmes individuelles[4].

  1. 65 d ; 72 e-73 b ; 74 a ; 75 cd ; 76 b, d ; 78 a ; 92 d ; 100 b ; 102 b. — 100 d.
  2. 74 a sqq., 96 e sqq., 101 bc, 102 b sqq., 103 e sqq., 110 d, 111 b.
  3. Ce problème sera examiné un peu plus loin, p. xv sqq.
  4. Cf. S. Reinach, Panaitios critique (Rev. de Philologie 1916, 201-209).