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PHÉDON

possible isolée en elle-même, envoyant promener le corps, et quand, brisant autant qu’elle peut tout commerce, tout contact avec lui, elle aspire au réel. — C’est bien cela ! — N’est-ce pas, en outre, dans cet état que l’âme du philosophe fait au plus haut point bon marché d du corps et le fuit, tandis qu’elle cherche d’autre part à s’isoler en elle-même ? — Manifestement !

— Mais que dire maintenant, Simmias, de ce que voici ? Affirmons-nous l’existence de quelque chose qui soit « juste » tout seul, ou la nions-nous ? — Nous l’affirmons, bien sûr, par Zeus ! — Et aussi, n’est-ce pas, de quelque chose qui soit « beau », et « bon » ? — Comment non ? — Maintenant, c’est certain, jamais aucune chose de ce genre, tu ne l’as vue avec tes yeux ? — Pas du tout, fit-il. — Mais alors, c’est que tu les as saisies par quelque autre sens que ceux dont le corps est l’instrument ? Or ce dont je parle là, c’est pour tout, ainsi pour « grandeur », « santé », « force », et pour le reste aussi, c’est, d’un seul mot et sans exception, sa réalité : ce que précisément e chacune de ces choses est. Est-ce donc par le moyen du corps que s’observe ce qu’il y a en elles de plus vrai ? Ou bien, ce qui se passe n’est-ce pas plutôt que celui qui, parmi nous, se sera au plus haut point et le plus exactement préparé à penser en elle-même chacune des choses qu’il envisage et prend pour objet, c’est lui qui doit le plus se rapprocher de ce qui est connaître chacune d’elles ? — C’est absolument certain. — Et donc ce résultat, qui le réaliserait dans sa plus grande pureté sinon celui qui, au plus haut degré possible, userait, pour approcher de chaque chose, de la seule pensée, sans recourir dans l’acte de penser ni à la vue, ni à quelque autre sens, sans entraîner après soi aucun 66 en compagnie du raisonnement ? celui qui, au moyen de la pensée en elle-même et par elle-même et sans mélange, se mettrait à la chasse des réalités, de chacune en elle-même aussi et par elle-même et sans mélange ? et cela, après s’être le plus possible débarrassé de ses yeux, de ses oreilles, et, à bien parler, du corps tout entier, puisque c’est lui qui trouble l’âme et l’empêche d’acquérir vérité et pensée, toutes les fois qu’elle a commerce avec lui ? N’est-ce pas, Simmias, celui-là, si personne au monde, qui atteindra le réel ? — Impossible, Socrate, répondit Simmias, de parler plus vrai !