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PHÉDON

dit-il, qu’on est en train de détacher Socrate, et les Onze[1], de lui signifier que ce jour est celui de sa fin. » Sur quoi, il ne tarda guère à arriver et il nous invita à pénétrer.

Nous pénétrons donc et 60 trouvons, avec Socrate qu’on venait de détacher, Xanthippe (tu n’es pas sans la connaître !) qui tenait leur petit enfant et était assise contre son mari. Dès que Xanthippe nous eut aperçus, ce furent des malédictions et des discours tout à fait dans le genre habituel aux femmes : « Voici, Socrate, la dernière fois que s’entretiendront avec toi ceux qui te sont attachés, et toi avec eux ! » Socrate jeta un coup d’œil du côté de Criton : « Criton, dit-il, qu’on l’emmène à la maison ! » Et, tandis que l’emmenaient quelques-uns des gens de Criton, elle hurlait en se frappant la poitrine[2].


Socrate parle.
Plaisir et douleur.

b Quant à Socrate, il s’était assis sur son lit et, ayant replié sa jambe, de la main il se la frottait dur, puis tout en la frottant il disait : « Comme c’est une chose déconcertante d’apparence, amis, ce que les hommes appellent l’agréable ! Quel merveilleux rapport il y a entre sa nature et ce qu’on juge être son contraire, le pénible ! Être simultanément présents côte à côte dans l’homme, tous deux s’y refusent ; mais qu’on poursuive l’un et qu’on l’attrape, on est presque contraint d’attraper toujours l’autre aussi, comme si c’était à une tête unique que fût attachée leur double nature ! Il me paraît, ajouta-t-il, c qu’Ésope, s’il avait pensé à cela, aurait pu en composer une fable : La Divinité, désirant mettre un terme à leurs luttes, mais n’y réussissant pas, leur attacha ensemble leurs deux têtes réunies ; voilà pourquoi, où se présente l’un, c’est l’autre ensuite qui vient derrière. C’est comme cela en effet que la chose me paraît à moi-même : à cause de la chaîne, il y

    Platon porte le nom. Un entretien de Terpsion avec Euclide sert d’introduction au Théétète. Cléombrote, d’après Callimaque (Épigr. 23), se serait tué d’avoir lu le Phédon : simple glose d’un érudit qui sur lui n’en savait sans doute pas plus que nous. Pour les autres, voir Notice, p. ix-xv, xix sq.

  1. Leurs fonctions sont judiciaires et pénitentiaires (Aristote, Const. Athen. 52, 1).
  2. Ce n’est pas la mégère de Xénophon ou de la Chreia cynique, mais une femme incapable de modérer l’expression de ses sentiments.