Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome III, 1.djvu/28

Cette page a été validée par deux contributeurs.
309 c
21
PROTAGORAS

Socrate. — Beaucoup plus beau.

L’Ami. — Que dis-tu ? Un étranger ou un Athénien ?

Socrate. — Un étranger.

L’Ami. — De quel pays ?

Socrate. — D’Abdère.

L’Ami. — Et cet étranger t’a paru passez beau pour l’emporter sur le fils de Clinias ?

Socrate. — Comment une science sans égale ne serait-elle pas plus belle ?

L’Ami. — Alors, dis-moi, c’est un savant que tu viens de rencontrer ?

Socrate. — Le plus savant des hommes d’aujourd’hui, si tu reconnais que nul savant ne peut rivaliser avec Protagoras.

L’Ami. — Oh ! que me dis-tu ? Protagoras serait ici ?

Socrate. — Depuis trois jours.

L’Ami. — Et tu viens de le voir ?

Socrate. — Nous avons eu ensemble un fort long entretien.

L’Ami — Qu’attends-tu alors pour me raconter votre entrevue ? Si rien ne t’appelle ailleurs, assieds-toi ici, prends le siège de cet esclave.

Socrate. — Très volontiers. Je vous remercie de vouloir bien m’écouter.

L’Ami. — C’est nous qui te remercions de nous faire ce récit.


Commencement du récit de Socrate :
Hippocrate vient le trouver.

Socrate. — La reconnaissance alors sera réciproque. Quoi qu’il en soit, je commence. La nuit dernière, de grand matin, Hippocrate, fils d’Apollodore et frère de Phason, donnait dans ma porte des coups violents de son bâton : quand on lui eut ouvert, il se précipita à l’intérieur en criant de toutes ses forces : « Es-tu réveillé, Socrate, ou dors tu ? » — Je reconnus sa voix et je lui dis : « C’est toi, Hippocrate ? Quelle mauvaise nouvelle m’apportes-tu ? » — « Rien de fâcheux, dit-il, rien que d’excellent. » — « Ta nouvelle sera donc la bienvenue. Mais de quoi s’agit-il et pourquoi cette visite si matinale ? » — « Protagoras est ici ! » me dit-il, en s’arrêtant près de moi. —