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HIPPIAS MINEUR

d’intérêt, il devait admettre qu’un certain degré d’intelligence excluait la possibilité de mal faire. L’opinion contraire lui paraissait absurde. Et c’est précisément cette absurdité que l’argumentation de Socrate tend à faire ressortir.



III

LES PERSONNAGES


Pour développer sa pensée, Platon a supposé un dialogue entre Socrate et le sophiste Hippias. Socrate y représente la doctrine qu’il avait professée ; rien de plus naturel.

Quant à Hippias, c’était un des sophistes qui s’étaient fait le plus de renom à la fin du ve siècle[1]. Né à Élis vers le milieu du siècle, il avait pu, grâce à une mémoire exceptionnelle et à une étonnante faculté d’assimilation, acquérir presque toutes les connaissances scientifiques et techniques de son temps. Parleur disert, consommé dans l’art de la rhétorique, il excellait à faire valoir tous ses dons naturels et toutes les acquisitions de son esprit. Par ses conférences, par ses nombreux écrits, par les missions dont ses concitoyens d’Élis l’avaient chargé à plusieurs reprises, il s’était fait connaître dans toute la Grèce et il était devenu fort riche. Platon, en le mettant en scène à deux reprises, a tracé de lui un portrait qu’on peut sans doute supposer quelque peu chargé, mais qui, à tout prendre, contient certainement une grande part de vérité. Était-ce d’ailleurs un esprit vraiment original, comme Protagoras, comme Prodicos, comme Gorgias lui-même ? On en peut douter. En tout cas, en matière de morale et de philosophie proprement dite, aucun témoignage n’atteste qu’il ait rien apporté qui lui fût propre. Le rôle que lui prête Platon est celui d’un conférencier à la mode, dépourvu d’ailleurs de doctrine réfléchie et de réflexion personnelle.

Selon l’usage du temps, il moralisait volontiers dans ses conférences au moyen d’exemples empruntés aux poètes nationaux, surtout à Homère. Le dialogue engagé entre Socrate

  1. Voir l’article Hippias dans Pauly-Wissowa, Real-Encycl. : Hippias y est surtout étudié comme mathématicien.