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APOLOGIE DE SOCRATE

accomplissait un devoir qui lui avait été spécialement prescrit par une volonté divine. Semblable au soldat à qui un poste a été assigné, il ne pouvait s’y soustraire sans déshonneur. C’est ce que Platon lui fait déclarer expressément, en un langage éloquent. Et c’est par là qu’il explique aussi son refus absolu de changer de conduite. Si Socrate a semblé braver ses juges, s’il a déclaré, qu’acquitté par eux, il continuerait à faire ce qu’il avait toujours fait, l’Apologie en donne la raison, à la fois très simple et très belle. C’est qu’en renonçant à parler, il aurait fait acte de lâcheté par peur de la mort, et cela sans même savoir si celle-ci était un mal. Il est vrai que tout en se mêlant ainsi des affaires des autres, il n’avait jamais voulu jouer un rôle public ; cette abstention volontaire, un peu surprenante dans une ville telle qu’Athènes, que signifiait-elle ? comment devait-on l’interpréter ? Platon a voulu l’expliquer franchement à ses lecteurs. L’événement lui offrait un moyen facile de le faire. Si Socrate avait voulu jouer un rôle public, il aurait été condamné vingt ans plus tôt, à tout le moins, et il n’aurait pas pu faire le bien qu’il avait fait. En achevant cette troisième partie, l’accusé semble revenir au reproche d’influence pernicieuse qui lui a été fait ; et, pour le repousser, il invite ses juges à entendre sur ce point les parents de ceux qui l’ont fréquenté le plus assidûment. En réalité, ayant exposé ce qu’avait été l’enseignement de son maître, Platon, si je ne me trompe, a voulu grouper ici les noms de ses plus fidèles disciples, comme ceux d’autant de témoins qu’il attestait devant ses lecteurs.

Dans une quatrième partie, sorte d’épilogue, Socrate donne avec dignité les motifs qui l’empêchent de supplier ses juges, selon l’usage des accusés.

Ce premier discours constitue l’Apologie proprement dite. Mais le procès, dans son ensemble, forme un drame dont ceci n’est que le premier acte. Les juges votent ; la majorité déclare que Socrate est coupable. Alors, l’accusé reprend la parole pour discuter la peine proposée[1]. Platon a composé également ce second discours, beaucoup moins étendu naturellement que le premier. Il y a prêté à Socrate la même

  1. Sur cette évaluation contradictoire de la peine, voir le témoignage de Cicéron (De orat., I, § 232).