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NOTICE

d’État, l’incompétence des assemblées populaires, le règne du bavardage et de la flatterie[1] ! Le vague même de la formule accusatrice ouvrait à ceux qui se proposaient de la développer un champ presque illimité. Elle leur permettait de ne rien laisser perdre des propos malveillants répandus contre Socrate, elle leur assurait le droit de les utiliser sans sortir de la cause.

C’était donc un procès redoutable, savamment préparé par un ennemi perfide, un procès dans lequel l’accusé était presque certain de succomber.

Le tribunal, suivant la loi athénienne, fut composé de jurés, tires au sort parmi les citoyens âgés de plus de trente ans[2]. On peut conclure du rapprochement de deux témoignages anciens qu’ils étaient au nombre de 502[3]. Véritable foule, où tous les préjugés populaires devaient être représentés ; bien peu apte, en tout cas, à juger de questions aussi délicates.

Selon l’usage, Mélétos, comme auteur de l’accusation, dut parler le premier, pour en expliquer les raisons. Anytos et Lycon prirent la parole après lui. Il est impossible de dire aujourd’hui quel fut exactement le rôle de chacun d’eux.

  1. Le rendit-on responsable des fautes d’Alcibiade et de Critias ? Xénophon (Mémor., I, 2) semble autoriser à le croire. Mais il est possible que l’accusateur qu’il a en vue (27 τῷ κατηγόρῳ) soit non pas Mélétos, mais le rhéteur Polycratès, auteur d’un pamphlet contre Socrate, publié quelques années plus tard. Il y a, toutefois, un autre témoignage, celui d’Eschine (C. Timarque, 178 Blass), qui ne peut s’expliquer ainsi.
  2. Aristote, Rép. des Athén., c. 63, 3, Blass.
  3. Diog. Laerce, II, 41, rapporte que Socrate fut condamné par une majorité de 281 voix (κατεδικάσθη διακοσίαις ὀγδοήκοντα μιᾷ πλείοσιν ψήφοις τῶν ἀπολυουσῶν), ce qui semble vouloir dire qu’il y avait 281 voix de plus pour la condamnation que pour l’acquittement. Mais, d’autre part, Platon, dans l’Apologie, p. 36 a, fait dire à Socrate qu’un déplacement de 30 voix en sa faveur aurait suffi à le faire acquitter. Cela implique que la majorité était tout au plus de 60 voix. Le nombre mentionné par Diogène est donc celui des votes défavorables, et ce nombre ayant été supérieur de 60 à celui des votes favorables, nous voyons qu’il y eut 281 suffrages d’un côté, 221 de l’autre, soit en tout 502.