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Socrate. — Positivement.

Alcibiade. — Comment cela ?

Socrate. — Écoute. Suppose qu’étant donnés les nombres un et deux, je te demande quel est le plus fort, tu me diras que c’est deux.

Alcibiade. — Cela va de soi.

Socrate. — Plus fort de combien ?

Alcibiade. — D’une unité.

Socrate. — Eh bien, lequel est-ce de nous deux qui dit que deux est plus fort qu’un ?

Alcibiade. — C’est moi.

Socrate. — Or, moi, j’interrogeais, et toi, tu répondais.

Alcibiade. — C’est bien cela.

Socrate. — 113 Ainsi, sur ce sujet, est-ce moi qui dis les choses quand j’interroge, ou toi, quand tu réponds ?

Alcibiade. — C’est moi.

Socrate. — Et si je te demandais comment s’écrit le nom de Socrate et que tu me le dises, qui de nous deux dirait la chose ?

Alcibiade. — Moi.

Socrate. — Donc, toujours et partout, lorsqu’il y a échange de questions et de réponses, quel est celui qui dit les choses ? Est-ce celui qui questionne ou celui qui répond ?

Alcibiade. — Il me semble, Socrate, que c’est celui qui répond.

Socrate. — b Eh bien, tout à l’heure, n’était-ce pas toujours moi qui questionnais ?

Alcibiade. — Oui, en effet.

Socrate. — Et c’était toi qui répondais ?

Alcibiade. — Parfaitement.

Socrate. — Alors, qui de nous deux a dit ce qui a été dit ?

Alcibiade. — Il est clair, Socrate, d’après ce que j’ai accordé, que c’était moi[1].

Socrate. — Concluons-en qu’au sujet du juste et de l’injuste, il a été dit : que le bel Alcibiade, fils de Clinias, était

  1. Ce passage met en lumière un trait essentiel de la méthode socratique : Socrate se borne à questionner ; les réponses sont le fait de son interlocuteur, bien qu’elles résultent des questions posées.