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le moindre assaisonnement, tandis qu’il nous verrait faire sans difficulté, lors même qu’il nous plairait de jeter le sel à pleines mains. — Et pourquoi non ? — Ou bien, si son fils avait mal aux yeux, voudrait-il ou non lui permettre d’y toucher lui-même, [210a] quand il saurait que le prince n’entend rien à l’art de guérir ? — Il l’en empêcherait. — Nous, au contraire, s’il nous tenait pour versés dans cet art, voulussions-nous ouvrir de force les yeux malades et les remplir de cendre, il ne s’y opposerait pas, je pense, persuadé que nous ne le ferions qu’à bon escient. — Je le crois. — Enfin ne s’en rapporterait-il pas à nous plutôt qu’à lui-même et à son fils pour toutes les choses dans lesquelles il nous croirait plus habiles qu’eux-mêmes ? — Cela est naturel, Socrate. — Oui, cher Lysis, ainsi vont les choses : dans quelque genre [210b] que nous acquérions des talens, tout le monde s’adressera à nous, Grecs et Barbares, hommes et femmes ; tout ce qu’il nous plaira de faire, nous le pourrons, personne ne s’avisera de nous le défendre ; pour tout cela nous serons libres, et même nous commanderons aux autres ; et ce sera pour nous une véritable propriété, puisque nous saurons en jouir, tandis que pour les choses où nous n’entendons rien, bien loin qu’on nous en laisse disposer à notre