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Socrate, selon Calliclès, n’a pas eu grand-peine à triompher de Gorgias et de Polus ; car il a toujours argumenté de l’ordre légal. Sans doute, dans l’ordre légal, il n’y a rien de plus beau que la justice, et il est plus honteux de commettre l’injustice que de la recevoir ; d’où Socrate s’est empressé de conclure qu’il en est ainsi dans la vérité des choses. Mais ce n’est là qu’une déclamation bonne pour le peuple et les enfans ; car autre chose est l’ordre légal, autre chose l’ordre naturel. La loi de la nature est que l’homme cherche le plaisir et le bonheur, et ne s’arrête que devant la limite de ses forces. Le plus fort l’emporte donc et doit l’emporter sur le plus faible, et l’inégalité est d’institution naturelle. Le monde se partage naturellement et légitimement en forts et en faibles, en oppresseurs et en opprimés, en tyrans et en esclaves. Il en est ainsi dans l’espèce animale, dont l’espèce humaine n’est qu’une continuation ; et il en est encore ainsi