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ARGUMENT.

Pour maintenir la définition qu’elle s’est faite elle-même, la rhétorique est donc contrainte de reconnaître que son objet est de persuader dans les limites de la vérité ou en dehors de ces limites, pourvu qu’elle persuade ; qu’elle est une ouvrière d’erreur aussi bien que de vérité, ou plutôt qu’il n’y a pour elle ni faux ni vrai ; qu’elle ne s’occupe ni de l’un ni de l’autre, mais seulement du succès, par quelque route qu’elle y arrive ; qu’elle est indifférente à la vérité ou au mensonge, c’est-à-dire, qu’elle est essentiellement un art de mensonge, puisque tout est mensonge là où le mensonge et la vérité peuvent être arbitrairement employés. De là toutes les conditions de la rhétorique, et la plus caractéristique de toutes, la condition de parler devant des auditeurs qui ne connaissent pas la matière sur laquelle on leur parle ; car avec un auditoire éclairé, la rhétorique n’a plus qu’un seul moyen de succès, la vérité : et dans ce cas la puissance de