Page:Pirenne - Un contraste économique, Mérovingiens et Carolingiens, 1923.djvu/4

Cette page a été validée par deux contributeurs.

l’or[1] ; il l’est par le poids qu’il donne aux espèces ; il l’est enfin par les effigies qu’il y imprime. Faut-il rappeler ici que les ateliers monétaires ont longtemps conservé, sous les rois mérovingiens, la coutume de faire figurer le buste de l’empereur sur les monnaies, de représenter au revers des pièces la Victoria Augusti et que, poussant l’imitation à l’extrême, ils n’ont pas manqué, lorsque les Byzantins ont substitué la croix à l’image de cette victoire, de suivre aussitôt leur exemple[2] ? Que conclure d’une servilité si complète, sinon la nécessité de conserver entre la monnaie nationale et la monnaie impériale une conformité qui serait inexplicable si les rapports les plus intimes n’avaient subsisté entre le commerce mérovingien et le commerce général de la Méditerranée, c’est-à-dire si ce commerce n’avait continué de se rattacher par les liens les plus étroits au commerce des régions byzantines ? De ces liens au surplus les preuves abondent et il suffira d’en rappeler ici quelques-unes des plus significatives.

Tout d’abord, il est singulièrement caractéristique que Marseille n’ait pas cessé d’être, au moins jusqu’au commencement du viiie siècle, le grand port de la Gaule. Les termes qu’emploie Grégoire de Tours, dans les nombreuses anecdotes où il lui arrive de parler de cette ville, nous obligent à la considérer comme un centre économique singulièrement animé[3]. Une navigation très active la relie à Constantinople, à la Syrie, à l’Afrique, à l’Espagne et à l’Italie. Elle nous apparaît comme un entrepôt où sont débarqués en quantités considérables, le papyrus, les épices, le vin et l’huile. Une colonie importante de marchands étrangers, des Juifs pour la plupart et des Syriens, y est établie à demeure[4]. Et il importe de remarquer sur-

  1. Les deniers, on le sait, étaient d’argent, mais les monnaies fondamentales, le sou et le tiers de sou, étaient d’or.
  2. M. Prou, Catalogue des monnaies mérovingiennes de la Bibliothèque nationale, p. LXXXIV.
  3. Voy. Historia Francorum, l. IV, 43 ; V, 5 ; VI, 17, 24 ; IX, 22. Cf. Grégoire le Grand, Epistolae, I, 45.
  4. Sur leurs rôle, voy. Scheffer-Boichorst, Die Syrer im Abendlande. Mitteilungen des Instituts für Œsterreichische Geschichtsforschung, t. VI, [1885] p. 521 et suiv., et Brehier, Les Colonies d’Orientaux en Occident au commencement du moyen âge. Byzantinische Zeitschrift, t. XII [1903], p. 11 et suiv.