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prodiguant lui-même des marques de confiance à Robert d’Artois, mortel ennemi de Philippe VI, qu’il reçut à Londres à grand fracas. Les droits qu’il croyait ou prétendait avoir à la couronne de France durent bientôt l’incliner à l’idée de reprendre la guerre que son grand-père avait dû rompre si brusquement en 1297. Jeune, actif, populaire depuis sa victoire sur l’Écosse, il se laissa entraîner par l’ambition. Comme tous les grands ambitieux d’ailleurs, il était prudent et il ne voulut s’aventurer qu’après avoir mis de son côté toutes les chances de succès. S’inspirant de l’exemple d’Édouard Ier, il se mit tout d’abord en devoir de s’assurer l’alliance des princes des Pays-Bas. Le plus important d’entre eux, le comte de Flandre, Louis de Nevers, se montra aussi fidèle à Philippe VI, qui l’avait sauvé d’une révolte populaire, que Guy de Dampierre en 1297 était prêt à rompre avec Philippe le Bel, qui soutenait contre lui les patriciens. Mais, de l’autre côté de l’Escaut, dans cette ancienne Lotharingie aujourd’hui découpée en principautés florissantes qui, depuis le grand interrègne, jouissaient d’une indépendance complète sous la suzeraineté nominale de l’Empire, il devait être facile, en payant bien, de recruter des partenaires. Grâce aux banquiers florentins, qui lui ouvrirent le plus large crédit, Édouard pouvait dépenser sans compter. Il donna carte blanche au comte Guillaume II de Hainaut et de Hollande, dont il avait épousé en 1328 la fille Philippine, la protectrice de Froissart, et il ne fallut pas longtemps pour conclure à beaux deniers avec le duc de Brabant et quelques personnages de moindre envergure, comtes de Gueldre, de Clèves, de Juliers. De même qu’Édouard Ier avait en 1297 acheté l’appui du roi d’Allemagne Adolphe de Nassau, Édouard III crut utile de prendre à sa solde l’empereur Louis de Bavière. Il espérait sans doute que ce pauvre homme, récemment excommunié par Jean XXII, trouverait dans sa rancune contre la papauté d’Avignon, un motif de se venger sur la France.

A la coalition anglaise, Philippe VI opposa dans les Pays-Bas un ancien client de la France, l’évêque de Liège, et le roi de Bohême Jean l’Aveugle, allié de sa maison, qui n’amena d’ailleurs avec lui que quelques chevaliers de son comté de Luxembourg. En Écosse, il envoya des secours aux partisans de David Bruce qui reprirent les armes.

Les hostilités commencèrent en 1337. Les Français brûlèrent par surprise Guernsey et Portsmouth ; les Anglais attaquèrent un corps de troupes flamandes dans l’île de Cadzant. L’année suivante,