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et stérile. Et il est trop facile de constater après coup qu’elle ne pouvait être autre chose. L’impossibilité où se trouvaient les rois d’Angleterre de conquérir la couronne de France apparaît avec la clarté de l’évidence. Et c’est pourtant bien là le but qu’ils se sont proposés. En dehors de cela, aucun motif pressant ne les poussait à la guerre. Aucun motif surtout n’y poussait le peuple anglais. Car la France ni ne menaçait, ni même ne gênait l’Angleterre. Ni l’une, ni l’autre n’était encore devenue une nation maritime. Leurs marchands ne se rencontraient nulle part en rivaux comme ils devaient le faire plus tard, ou comme, dès le xiiie siècle, le faisaient dans les ports du Levant ceux de Gênes et de Venise. La Guyenne qui, sur le continent, continuait d’appartenir aux rois d’Angleterre, ne présentait pas pour leur peuple plus d’importance que n’en devait présenter au xviiie siècle le royaume de Hanovre. On comprendrait sans peine que la France ait attaqué l’Angleterre pour lui reprendre cette province, dernier lambeau des possessions angevines qui faisait encore obstacle à l’unité du royaume, mais ce n’est pas la France, c’est l’Angleterre qui a provoqué la guerre. Le prétexte en a été la revendication par Édouard III de la couronne capétienne. Mais on ne voit pas l’intérêt national de l’Angleterre dans cette question, bien au contraire. L’alliance de la France avec l’Écosse n’explique pas mieux l’origine du conflit. Il est, en effet, trop évident qu’en compliquant la conquête de l’Écosse d’une guerre avec la France, on rendait cette conquête infiniment plus difficile, et même impossible. Bref, de quelque côté qu’on se tourne, la Guerre de cent ans apparaît comme une guerre inutile, en ce sens qu’elle ne fut provoquée par aucune nécessité vitale. Au vrai, il n’y faut voir qu’une guerre de prestige. Et c’est là justement ce qui explique la passion avec laquelle le peuple anglais y seconda ses rois.

La constitution parlementaire avait continué de s’affermir sous Édouard Ier (1272-1307). En 1297, le roi avait reconnu formellement le droit du Parlement de consentir à l’impôt. Le retour de son successeur Édouard II (1307-1327) à la pratique du gouvernement personnel amena, comme sous Henri III, une révolte du peuple conduit par les barons. L’insuccès du roi en Écosse, contre David Bruce qui avait repris les armes et l’avait battu à Bannockburn (24 juin 1314), achevèrent de le rendre odieux. En 1326, les mécontents se groupaient autour de la reine et du prince royal. Le Parlement prononçait la déposition du roi (7 janvier 1327).