Page:Piis - L’Harmonie imitative de la langue française, 1785.djvu/66

Cette page n’a pas encore été corrigée

Souvent, au moment même où deux amans d’accord
Dans l’espoir d’y puiser s’agenouillent au bord,
De son antre infernal qui domine la rive,
La jalousie hagarde avec fureur arrive,
Les sépare, et du fer de ses longs javelots
Se fait un jeu cruel d’en soulever les flots :
Chez l’objet de ses soins d’un pas lent et timide
Eutrope vient un soir sur la foi de son guide,
Il entend une voix ; son cœur en a frémi ;
La porte confiante est poussée à demi,
Et lui laisse, au reflet d’une oblique lumière,
Entrevoir un guerrier tout couvert de poussière,
Qui pleure auprès d’Eustelle et semble à l’embrasser
D’une absence pénible enfin se délasser ;
Il s’avance, immobile, il garde un froid silence,
Et sort : mais en sortant à l’étranger il lance
Ce coup-d’œil éloquent par Bellone inventé,
Que l’honneur à l’honneur n’a jamais répété ;
Et qui s’il ne peut faire à l’instant de l’offense,
Jaillir de deux poignards l’éclair de la vengeance,
Comme un subtil aimant doit attirer nos pas
Pour briguer ou promettre un généreux trépas.