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Que le Lecteur discret qui va fuir à l’écart,
Au doux bruit du baiser croie en avoir sa part.

Mais où suis-je ? et quel baume, en coulant de mon ame,
A pénétré mes sens d’une subtile flamme !
Les rivières sans digue, errantes dans leurs lits,
La terre plus riante, et les cieux embellis,
Et le murmure lent du zéphire invisible,
Et des pinçons joyeux le ramage sensible,
Tout anime à la fois mon courage et mes chants,
C’est quand on est touché qu’on fait des vers touchants :
Chacun à sa manière, et je le dis sans feinte,
Jamais je ne saurais dans une étroite enceinte
Au devant d’un pupitre avec contrainte assis,
Enthousiaste froid, coudre un mètre précis,
Provoquer mon esprit en rêvant d’un air bête,
Apeller un idée en me frottant la tête,
Faire éclore un beau vers d’un coup de pié fécond,
De mes ongles rongés exprimer le second,
Et pour me soulager lorsque Phébus m’agite,
Un Richelet en main prendre la rime en gîte.
L’eau vive d’Hélicon gèle au fond d’un cornet,
Et Pégase franchit les murs d’un cabinet.