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souverainement et ne demanderait jamais à l’Empire une reconnaissance officielle. Lübeck, siège habituel de la Diète hanséatique, Brême, Hambourg et les villes de l’intérieur reliées à elle ne devaient pas seulement amasser de grandes richesses mais poser les fondements juridiques de la navigation internationale en proclamant le principe de la liberté des mers et le droit pour le pavillon neutre d’échapper en cas de guerre, aux atteintes des belligérants. La Baltique avec ses pêcheries de harengs était une « excellente école de matelots » ; la marine allemande y supplanta complètement la marine scandinave.

Particulièrement intéressante au point de vue de l’évolution allemande est l’histoire de l’État teutonique si généralement laissée dans l’ombre. Fondés à Saint Jean d’Acre en 1190 pour assurer le développement d’un hôpital que les bourgeois de Brême et de Lübeck avaient précédemment créé en vue de secourir les pélerins de race germanique en Terre sainte, les Chevaliers teutoniques n’avaient pas tardé à révéler des goûts plus batailleurs que charitables. Comme les perspectives conquérantes en orient allaient déclinant, le Grand maître résolut d’abandonner la Palestine. Les Chevaliers hésitaient où se fixer lorsqu’ils furent appelés par les Polonais pour aider à évangéliser et à dompter le peuple prussien (1230). Ces anciens Prussiens, sans aucun rapport ethnique avec ceux auxquels on donne maintenant ce nom, étaient d’obstinés païens. Ils tenaient le rivage de la Baltique entre la Vistule et le Niémen ; peu nombreux, ils vivaient sauvagement dans leurs épaisses et marécageuses forêts ; inquiétants voisins. Or, en traitant avec les Teutoniques, les Polonais ne prirent aucune précaution pour assurer leur propre suzeraineté sur les territoires qui pourraient être éventuellement conquis. Pourtant la possession de ces territoires qui les séparaient de la mer aurait dû leur importer grandement. La conquête précisément fut prompte et totale. Il y fut procédé par voie d’extermination. La croisade eut dès le principe un caractère encore plus pro-germain qu’anti-païen. Reconnu par l’empire, l’Etat teutonique avec ses villes nouvelles, Thorn et Konigsberg et sa rébarbative forteresse de Marienbourg, devint une puissance redoutable qui, dès la fin du xiiime siècle dominait sur la rive droite de la Vistule. Les indigènes détruits, il ne resta plus là que des Allemands fanatisés par leur victoire, et prêts à mettre en pratique, avant de l’avoir formulé, le « Deutschland über alles ». La Pologne bloquée par eux dut réagir. Elle fut aidée par les Chevaliers eux-mêmes. Leur