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études historiques

lui-même. Sans doute, la durée de son règne royal (1066-1087) lui permit-elle d’utiliser en maints détails le don d’organisation qui lui avait été départi mais les grandes lignes de sa politique furent constamment défectueuses. Refusant de donner, comme il l’avait promis, le duché de Normandie à son fils aîné, manquant à bien d’autres engagements, brutalisant inutilement, devenu avide de richesses et de pouvoir, l’orgueil le perdit. Il est à croire qu’il rêva de devenir aussi roi de France et de gouverner, depuis Rouen, sa capitale préférée, les deux grands pays voisins. Mais on remarque dans sa conduite jusqu’alors si claire et sensée autre chose qu’un vulgaire orgueil ; une sorte de désorientement s’y manifeste. Il est évident que Guillaume, faisant état de son origine scandinave et du prestige dont la civilisation française jouissait alors en Angleterre, s’était attendu à être aisément considéré dans ce pays comme un souverain national. Cette confiance, ses premiers actes la révèlent mais il n’en fut rien. Le contraire advint, ce qui l’inquiéta et l’aigrit. Brusquement, l’Angleterre sentit le contact de l’étranger et une âme nationale germa en elle. Elle garda la dynastie et lentement l’assimila. Mais quelque chose était né qui devait à jamais rendre la France et l’Angleterre impénétrables l’une par l’autre, et, périodiquement, les jeter l’une contre l’autre.


Les Hauteville en Sicile.

..… Pendant ce temps Roger avait conquis la Sicile (1074-1101). Il s’était d’abord emparé de Palerme puis de là, avec sa poignée de Normands, il avait su, non sans bien des alternatives de revers et de succès, soumettre toute l’île, posant au fur et à mesure de sa conquête les bases d’un gouvernement sage, à la fois dur et souple, ouvert au progrès matériel et pratiquant au point de vue ethnique et religieux une tolérance très moderne. Sans aucun préjugé, se servant au besoin de troupes musulmanes contre des chrétiens, mais ne s’attardant jamais à des rancunes ou à des vengeances inutiles, le « grand comte » apparaît comme un précurseur de la « realpolitik ». Tout son effort de constructeur national visa à organiser la Sicile en vaste entrepôt du commerce international. L’île « aux