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la comédie

Nostre franchise et sans estre appastez
Des vains appastz de ses fresles beautez,
Nous ne fussions cornuz comme nous sommes,
Plustost deux boucz que semblables aux hommes,
Et ne voudrions, tristes et esbahis,
Quitter ainsi nostre propre païs ;
Mais si fault-il apprendre la science
En enrageant de piller patience,
Et malgré nous noz douleurs oublier,
Puisqu’on ne peult plus y remédier.
« Où il n’y a point remède d’abattre
« Les durs assaux de fortune marâtre,
« Il fault fuyr par trop se désolant
« De rengreger son malheur violent,
« Et peu à peu par une longue espreuve
« Vestir en soy une nature neuve,
« Qui rien ne craigne et n’appréhende rien,
« Soit que luy vienne ou du mal ou du bien. »
Pour ce, Messieurs, laissans nostre fortune,
Qui nous est trop cruelle et importune,
Je vous diray qui nous meut de venir
Dans le pays des Cocus nous tenir :
Nous sommes nez tous deux d’un mesme pere,
Tous deux sortis du ventre d’une mère,
Qui nous voyans estre vilipendez,
Huez, sifflez, mocquez et regardez
Pour nostre front, dont la cyme se borne
Deçà, delà d’une bessonne corne,
Avons conclud, pour oster de noz piedz,
Tous les soucys où nous estions liez,
Qu’il valloit mieux délaisser pour ceste heure,
Nostre païs, noz biens, nostre demeure,
Noz bons amys, nos parens et tous ceux
Qui nous estoient ennemys et fascheux,
Et s’en aller où les Cocus se tiennent,
Qui comme nous mesme destin soustiennent,