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AUX MONTAGNES ROCHEUSES

excursions dans leur compagnie. Ne vous étonnez pas de ce que depuis le mois d’avril jusqu’au mois de décembre, j’aie mené la vie nomade d’un sauvage, vivant de chasse et de racines, sans pain, sans sucre et sans café, n’ayant pour tout lit qu’une peau de buffle et une couverture de laine, passant les nuits à la belle étoile lorsqu’il faisait beau, et bravant les orages et les tempêtes sous une petite tente. Je vous ai parlé de ma fièvre ; elle semblait s’obstiner à ne pas me quitter : eh bien, la vie dure que je menais m’en a enfin débarrassé ; et je me porte à merveille depuis le mois de septembre.

Jamais de ma vie je n’ai joui d’autant de consolations que durant mon séjour parmi ces bons Têtes-Plates et Ponderas. Le Seigneur m’a amplement dédommagé de toutes les privations et souffrances que j’avais endurées dans ce long et pénible voyage. J’ai dit plus haut que j’avais trouvé une députation de ces deux tribus au rendez-vous de la Rivière-Verte ; ces bons Indiens étaient venus au devant de moi pour me servir d’escorte dans ces pays si dangereux à parcourir. Notre rencontre ne fut pas celle d’étrangers, mais d’amis ; c’étaient comme des enfants qui accourent à la rencontre de leur père, après une longue absence. Je pleurais de joie en les embrassant, et eux aussi, les larmes aux yeux, m’accueillaient avec les expressions les plus tendres ; et avec une naïveté vraiment patriarcale, ils me racontaient toutes