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VOYAGES

emportent avec eux une haine implacable contre les blancs qui les ont, disent-ils, injustement chassés de leur patrie, loin des tombeaux de leurs pères, pour se mettre en possession de leur héritage. Si quelques-unes de ces tribus forment un jour des hordes semblables aux peuples nomades, moitié pasteurs, moitié guerriers, qui parcourent avec leurs troupeaux les plaines de la haute Asie, n’est-il pas à craindre qu’avec le temps d’autres ne s’organisent en bandes de pillards et d’assassins, qui auront pour coursiers les chevaux légers des prairies, le désert pour théâtre de leurs brigandages, et des rochers inaccessibles pour mettre en sûreté leurs jours et leur butin.

Le 31 mai, nous campâmes à deux milles et demi de l’une des curiosités les plus remarquables de cette région sauvage. C’est un monticule en forme de cône, de près d’une lieue de circonférence, entrecoupé de beaucoup de ravins, et placé sur une plaine unie. Au sommet du monticule s’élève une colonne carrée de trente à quarante pieds de largeur, sur cent vingt de haut ; la forme de cette colonne lui a fait donner le nom de Cheminée ; elle a cent soixante-quinze verges au-dessus de la plaine ; on l’aperçoit à trente milles de distance. La Cheminée est composée d’argile dans un état de stratification, avec des couches entremêlées de pierres à sable blanches et grisâtres. Il semble que c’est le reste d’une haute montagne que les vents et les orages auront déformée peu à peu depuis plusieurs