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AUX MONTAGNES ROCHEUSES

fièvre intermittente avec les frissons qui précèdent d’ordinaire les accès de chaleur. Cette lièvre ne m’a quitté que sur la Roche-Jaune, à mon retour des montagnes. Il me serait impossible de vous donner une idée de mon accablement. Mes amis me conseillaient de revenir sur mes pas, mais le désir de voir les nations des montagnes l’emporta sur toutes les bonnes raisons qu’ils purent me donner. Je suivis donc la caravane de mon mieux, me tenant à cheval aussi longtemps que j’en avais la force ; et j’allais ensuite me coucher dans un chariot sur des caisses, où j’étais ballotté comme un colis ; car souvent il nous fallut traverser des ravins profonds et dont les bords étaient à pic, ce qui me mettait dans les positions les plus singulières : tantôt j’avais les pieds en l’air, tantôt je me trouvais caché comme un voleur entre les ballots et les caisses, froid comme un glaçon, ou suant à grosses gouttes et rouge comme un poêle ardent. Ajoutez que pendant trois jours (et c’étaient les plus forts de ma fièvre), je n’eus pour me désaltérer que des eaux sales et stagnantes.

Le 18 mai, après avoir traversé une belle plaine de trente milles de large, nous arrivâmes sur les bords de la Nebraska (rivière du Cerf), désignée par les Français sous le nom moins heureux de Plate ou de Rivière-Plate. La Plate est le plus grand tributaire du Missouri, et peut être considérée comme la plus merveilleuse et la plus inutile des rivières de l’Amérique du Nord ; car elle a deux mille verges