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UNE ANNEE DE SÉJOUR

et la propager, nous avons jeté les fondements de plusieurs congrégations, auxquelles a été agrégé tout ce qu’il y a de mieux chez les hommes, les femmes, les jeunes filles et les jeunes gens. Le grand chef, nommé Victor, est préfet d’une des associations, et Agnès, sa femme, est présidente d’une autre. Ils ont été élus sans égard à leur dignité ou à leur naissance, mais uniquement à cause de leur mérite personnel. Ce qui prouve de plus que chez les Têtes-plates le mérite a le pas sur la condition, c’est que le grand chef de la peuplade étant mort dans le cours de l’hiver dernier, on a choisi pour son successeur le chef de la congrégation des hommes, par la seule raison qu’il n’était parvenu à cette dignité qu’après avoir été jugé la meilleure tête et le meilleur cœur du village. Le soir, quand la peuplade est tranquille, et le matin au point du jour, il harangue le camp, et le sujet de ses harangues est le plus souvent la répétition de ce qui a été dit par la Robe-noire. Ce brave chef marche dignement sur les traces de Paul, son prédécesseur, ce qui n’est pas peu dire. Ce dernier, baptisé à l’âge de 89 ans, et admis à la sainte table à 90, avait mérité le premier cette double faveur, moins à cause de son grand âge que de sa vertu. Le jour de son baptême, il me disait : « Si pendant ma vie j’ai fait quelque mal, ce n’a été que par ignorance ; il me semble que je n’ai jamais fait que ce que j’ai cru bon. Au moment de sa première commu-