Page:Pierre-Jean De Smet - voyages aux Montagnes Rocheuses.djvu/273

Cette page a été validée par deux contributeurs.
225
AUX MONTAGNES ROCHEUSES

de leur ancien aveuglement, ou des actions qui peuvent leur faire honneur ! En les entendant sur ce dernier article, on dirait qu’ils parlent de tous autres que d’eux-mêmes, ou de choses qui leur sont absolument étrangères. Je ne connais pas de simplicité religieuse qui surpasse la leur. « Père, disent-ils ordinairement en baissant modestement les yeux et le ton de la voix, ce que je vous dis, je ne l’ai jamais dit, et je ne le dirais à nul autre qu’à vous ; mais je vous le dis, parce que vous me le demandez et que vous avez droit de le savoir. »

Les chefs, qui seraient mieux appelés les pères de la peuplade, dont les ordres, se bornant presque à l’expression d’un désir, sont cependant toujours écoutés, ne se distinguent pas moins par leur docilité à notre égard que par leur ascendant sur la tribu. Le plus influent d’entre eux, surnommé le petit-chef à cause de l’exiguïté de sa taille, considéré comme guerrier et comme chrétien, serait comparable aux plus beaux caractères de l’antique chevalerie. Un jour, lui septième, il soutint l’assaut de tout un village de Ranax qui attaquaient injustement ses compagnons. Une autre fois il ne se signala pas moins contre les mêmes Ranax qui venaient de se rendre coupables envers lui de la plus noire trahison : il marche contre eux avec dix fois moins de guerriers qu’il n’en avait à combattre ; et cette poignée de braves, se croyant invincibles sous sa conduite et sous la