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AUX MONTAGNES ROCHEUSES

suivi de si près, qu’il allait être la victime de sa témérité, lorsque le jeune Anglais qui nous accompagnait vint heureusement à son secours. Il ajusta l’animal de la rive opposée et d’un coup de fusil l’étendit roide mort.

Quand un de ces fiers animaux est blessé, le comble de la gloire pour le chasseur, c’est de le conduire par une fuite simulée dans un endroit où il peut facilement s’en rendre maître. Le nôtre, nommé John Gray, était réputé le meilleur chasseur des montagnes ; il avait donné plus d’une fois des preuves d’une adresse et d’un courage vraiment extraordinaires, jusqu’à attaquer cinq ours à la fois. Un jour, voulant nous régaler d’un plat de son métier, il se fit suivre, jusqu’au milieu de notre caravane, par un buffle énorme qu’il avait blessé mortellement ; cet animal essuya le feu de plus de cinquante fusils, plus de vingt balles l’atteignirent ; trois fois il roula par terre ; mais la fureur lui donnant de nouvelles forces, trois fois il se releva menaçant des cornes le premier qui oserait continuer à l’attaquer.

La petite chasse se fait à pied. Un chasseur adroit et expérimenté affronte seul tout un troupeau. Pour s’en approcher suffisamment sans être aperçu, il faut qu’il prenne le dessous du vent ; car le buffle a l’odorat si fin que, sans cette précaution, il est capable de sentir l’ennemi à plusieurs milles de distance. Il doit ensuite marcher lentement, courbé le plus possible, avec une casquette