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VOYAGES

petite ouverture où l’on peut à peine passer la main ; de ce trou s’échappe alternativement, tantôt un jet d’eau, tantôt une vapeur. Ces eaux doivent être fort saines ; peut-être ne seraient-elles pas inférieures aux célèbres eaux de Spa et de Chaudfontaine en Belgique ; tout ce que je sais, c’est qu’elles se trouvent entre les montagnes d’où nos charrettes ont eu tant de peine à se tirer ; aussi n’inviterai-je à venir en faire l’essai, ni les santés délabrées, ni même celles qui ne le sont pas. La terre, sur un certain espace, y résonne sous les pieds, et effraie le voyageur solitaire qui la traverse.

C’est à cet endroit remarquable que nous quittâmes la rivière à l’Ours. Le 14 août, nos charrettes, après avoir roulé dix heures sans s’arrêter, arrivèrent en présence d’un défilé qui parut le bout du monde : à droite et à gauche, des montagnes effrayantes ; derrière nous un chemin par où l’on n’était pas tenté de retourner ; en face un passage où se précipitait un torrent, mais si étroit qu’à peine le torrent seul paraissait y pouvoir passer. Les bêtes de somme étaient rendues. Pour la première fois il y eut des murmures contre le capitaine de la caravane ; mais lui, imperturbable, et, selon sa coutume, ne reculant jamais devant une difficulté, s’avança pour reconnaître le terrain ; bientôt il fit signe d’approcher. Une heure après, on était hors d’embarras, puis qu’on avait traversé la plus haute chaîne des montagnes Rocheuses,