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AUX MONTAGNES ROCHEUSES

m’égarai plus que personne. Isolé du reste de la troupe, je me trouvai tout à fait perdu ; que faire ? Je fis ce qu’eût fait à ma place tout bon croyant ; je priai, et puis je fouettai mon cheval. Déjà j’avais parcouru plusieurs milles, quand l’idée me vint de rebrousser chemin, et bien m’en prit ; car la caravane était campée loin derrière moi, mais sans trop savoir où, et sur un sol si aride, que nos pauvres bêtes durent terminer par le jeûne les fatigues de la journée. Les jours se suivent, mais ne se ressemblent pas ; deux jours après nous étions dans l’abondance, dans une grande joie, en nombreuse compagnie, et sur les bords d’une rivière non moins connue des chasseurs de l’ouest que les rives de la Platte. Cette rivière, que vous reconnaîtrez avant que je la nomme, se perd, non loin de là, dans des fentes de rochers qui, dit-on, n’ont pas moins de deux cents milles d’étendue, et où fourmillent des républiques entières de castors ; mais jamais trappeur (c’est le nom qu’on donne aux chasseurs de profession dans l’Amérique du Nord) n’y a mis le pied, tant l’entreprise paraît effrayante ! Tous les ans, à une certaine époque, affluent de toute part sur ses bords, pour faire échange de leurs marchandises, les trappeurs, les acheteurs et les sauvages de toutes nations ; il n’y a guère que huit ans, les charrettes qui entreprirent les premières de se frayer un chemin à travers les montagnes Rocheuses, y rencontrèrent les colonnes d’Hercule. Cette rivière enfin, où