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VOYAGES

sieurs à la fois ; et quoique l’Américain soit lent à changer de religion, nous eûmes la consolation de voir s’éloigner nos compagnons de voyage déchargés d’un fardeau pesant de préjugés contre la sainte Église. Ils partirent au contraire en donnant les plus grandes marques de respect et de vénération pour le Catholicisme, que plusieurs n’étaient pas éloignés d’embrasser ; il ne manquait guère à ces derniers qu’un peu plus de courage, pour vaincre le respect humain et faire une profession publique de foi. Ces controverses me préoccupaient tellement l’esprit que j’arrivai, presque sans le savoir, sur les bords de la Rivière-aux-serpents. Là nous attendaient un grand danger et une bonne leçon ; mais avant de parler des aventures du voyage, hâtons-nous de finir ce qui nous reste à raconter sur le pays parcouru.

Nous en étions restés sur les bords de l’Eau-sucrée. Cette rivière n’est qu’une des fourches de la Platte, mais c’en est une des plus belles ; elle doit son nom à la pureté de ses flots comparée aux eaux bourbeuses et malsaines des environs. Ce qui la distingue aussi des autres rivières, ce sont les nombreuses sinuosités de son cours, preuve du peu d’inclinaison de son lit. Mais bientôt changeant d’allure, on la voit, ou plutôt on l’entend descendre avec rapidité à travers la longue crevasse d’une chaîne de rochers. Ces rochers, en harmonie avec le torrent, offrent les scènes les plus pittoresques. Les voyageurs ont nommé cette gorge