Page:Pierre-Jean De Smet - voyages aux Montagnes Rocheuses.djvu/199

Cette page a été validée par deux contributeurs.
151
AUX MONTAGNES ROCHEUSES

trois ouvriers, et tout ce qu’il fallait pour pleinement réaliser leurs espérances. De leur côté, ils avaient fait plus de trois cents milles pour venir au-devant de nous ; nous étions enfin pleins de santé et de bon vouloir les uns en présence des autres. Quelle joie ne devaient pas éprouver ces chers sauvages ! Ne sachant comment exprimer leur bonheur, ils restaient muets devant nous, et assurément leur silence ne provenait ni d’un défaut d’intelligence, ni d’un manque de sentiment. Les Têtes-plates sont très-sensibles ; la plupart ont de l’esprit, et la députation était composée d’hommes d’élite ; on en jugera par ce rapide exposé.

Le chef de la petite ambassade s’appelait Wistilpô ; il se peignit lui-même dans l’allocution suivante qu’il adressa à ses compagnons quelques jours après, à la vue du plan de la première réduction. « Mes enfants, leur dit-il, je ne suis qu’un ignorant et un méchant ; cependant je remercie le Grand-Esprit de ce qu’il a fait pour nous. » Et entrant ici dans un détail touchant, il termina par ces paroles : « Oui, mes chers amis, mon cœur est content, et, malgré ma méchanceté, je ne désespère pas de la bonté de Dieu ; je ne veux plus vivre que pour prier ; jamais je n’abandonnerai la prière ; je prierai jusqu’à la mort, et quand viendra ma dernière heure, je me remettrai entre les bras du Maître de la vie ; s’il veut me perdre, je me soumettrai à ses ordres, car je l’ai mérité ; s’il veut me sauver,