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AUX MONTAGNES ROCHEUSES

faut à une pluie d’orage pour tomber des nues, elle s’éleva vers le tourbillon sous la forme d’une immense corne d’abondance, dont les mouvements onduleux ressemblaient à l’action d’un serpent qui essayerait de se dresser vers le ciel. Sa hauteur n’était pas moindre d’un mille ; la force des vents qui descendaient perpendiculairement était telle, que dans un clin d’œil les arbres étaient écrasés et tordus jusqu’à terre ; les branches, arrachées des troncs, couvraient au loin l’espace de leurs débris. Mais ce qui est violent ne dure pas : au bout de quelques minutes, l’effrayante spirale cessa ; le tourbillon ne pouvant plus en soutenir le poids, on la vit se fondre aussi rapidement qu’elle s’était formée ; bientôt le soleil reparut, le calme se rétablit, et nous continuâmes en paix notre route.

À mesure que nous remontions vers les sources de cette merveilleuse rivière, les teintes de la végétation devenaient plus sombres, la forme des collines plus sévère, le front des montagnes plus sourcilleux ; tout paraissait offrir l’image, non de la caducité, mais de la vieillesse ou plutôt de l’antiquité la plus vénérable. Jugez de notre joie, quand il nous fut permis de chanter notre cantique sur les montagnes Rocheuses[1] :


Non ce n’est plus une ombre vaine,
Dans l’azur d’un brillant lointain
Mes yeux ont vu, j’en suis certain,
Des monts Rocheux la haute chaîne.

  1. Traduction de l’anglais.