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VOYAGES

cent l’air subitement et produisent des grêles capables de tout détruire. J’ai vu de ces grêlons de la grosseur d’un œuf de dinde. Malheur alors à celui qui se trouve en rase campagne ! Un Sheyenne renversé par un de ces grêlons demeura une heure entière sans mouvement. Un jour que ce fléau exerçait sa fureur à quelques pas de nous, un spectacle vraiment sublime s’offrit à nos yeux : nous vîmes tout à coup dans les airs, à peu de distance de nous, comme un vaste abîme se creuser en spirale, et dans son sein les nuages se poursuivre avec tant de rapidité, qu’ils attiraient à eux tous les objets d’alentour ; d’autres nuages, trop éloignés ou trop étendus pour subir cette influence, tournoyaient en sens inverse ; un bruit épouvantable de tempête se faisait entendre ; on eût dit que tous les vents étaient déchaînés à la fois de tous les points de l’horizon ; et, ce qui est bien certain, s’ils se fussent rapprochés tant soit peu plus près de nous, la caravane entière, hommes, chevaux, bœufs, mulets, chariots et charrettes eussent fait une ascension dans les nuages ; mais, comme aux flots de la mer, le Tout-Puissant leur avait dit : Vous n’irez pas plus loin. De dessus nos têtes le tourbillon recula majestueusement vers le nord et s’arrêta sur le lit de la Plate. Alors nouveau spectacle : les eaux, attirées par son souffle puissant, se mirent à tourner avec un bruit affreux ; toute la rivière bouillonnait, et dans moins de temps qu’il n’en